Une espérance de vie accrue, c’est inéquitable?

Ces temps-ci, on entend beaucoup parler d’iniquité intergénérationnelle à propos des fonds de pension à prestations garanties des employés du secteur municipal. Je suis un retraité du secteur public bénéficiant d’une rente à prestations garanties partiellement indexée — à peu près au tiers de l’IPC — et l’application que plusieurs font à l’ensemble des retraités de la fonction publique québécoise de cette idée d’iniquité intergénérationnelle commence à m’énerver.
Lorsque l’on parle d’iniquité intergénérationnelle, il faudrait d’abord se rappeler qu’au moment de l’établissement des paramètres (cotisations, prestations et indexation) des retraités de la fonction publique qui ont aujourd’hui autour de 70 ans, l’espérance de vie des jeunes hommes de cette époque était de l’ordre de 68 ans alors qu’elle est de 78 ans pour leurs équivalents d’aujourd’hui (chiffres de Statistique Canada).
À moins que l’on trouve inéquitable d’avoir aujourd’hui une espérance de vie plus longue qu’il y a cinquante ans, je ne vois aucune iniquité intergénérationnelle au fait qu’aujourd’hui les jeunes travailleurs auront à travailler plus longtemps ou à cotiser davantage pour bénéficier à leur retraite d’un revenu de pension raisonnablement confortable. D’ailleurs, le premier ministre Stephen Harper l’a très bien compris en reportant de 65 à 67 ans l’âge pour recevoir la prestation de sécurité de la vieillesse fédérale. À ce propos, dites-vous bien que, malgré leurs hauts cris d’usage, ni les libéraux fédéraux ni le NPD ne toucheront à cette mesure.
Reste maintenant la question des déficits actuariels de certains fonds de pension municipaux. Ici, bien sûr, se pose la question de qui devrait assumer ce déficit : employeurs, employés ou retraités ? Question éminemment douloureuse dont les retraités actuels de ces fonds de pension devraient être exclus, ce qui signifie que l’on ne devrait pas toucher à l’indexation actuelle de leurs prestations de retraite qui fut sans doute un facteur de décision important de la planification financière de leur retraite (âge de leur retraire, épargnes complémentaires, petit boulot ou non à la retraite, etc.). À ce sujet, le gouvernement libéral aurait tout intérêt à s’inspirer de la loi Lévesque de 1981, qui réduisit de façon draconienne l’indexation des retraites du secteur public (qui a été pratiquement nulle pour les années 1981 à 1998 et qui s’est légèrement améliorée depuis), mais cela, sans toucher à la pleine indexation existante pour les années travaillées d’avant 1981. On voit donc que, malgré la rigueur de la loi Lévesque de 1981, pas de rétroactivité. À défaut de vous inspirer M. Moreau, cette attitude somme toute équitable à l’égard des retraités vulnérables devrait au moins vous éclairer.
Enfin, dans ce débat sur les déficits actuariels, reste un élément de solution essentiel dont on ne parle pas assez : le temps. Si l’on évite de confier la gestion des fonds de pension à prestations garanties à des cowboys du rendement à court terme, comme ce fut malheureusement le cas à la Caisse de dépôt sous Henri-Paul Rousseau (rêvons à un Warren Buffett), l’adage selon lequel il faut donner du temps au temps s’applique ici très judicieusement. Cette combinaison du temps et d’une saine gestion des fonds de pension à prestations garanties — prudence, vision à long terme, ajustements appropriés des cotisations, éviter les congés de cotisations à courte vue — devrait d’ailleurs faire taire ces pseudo-pontes du néolibéralisme économique qui s’appliquent depuis un certain temps à diaboliser ce type de régime.