Rémunération des femmes: la juste valeur

Faut-il le rappeler, un des changements les plus marquants des dernières décennies est précisément l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Au milieu des années 1970, moins de la moitié des femmes âgées de 25 à 54 ans étaient présentes sur le marché du travail. Aujourd’hui, cette proportion s’élève à plus de 75 %.

Les gains des femmes sur le marché du travail sont étroitement liés aux progrès remarquables réalisés par elles en matière d’éducation. De plus en plus, les jeunes, mais particulièrement les jeunes femmes, reconnaissent le besoin croissant d’atteindre un niveau de scolarité plus élevé. Il y a 20 ans, le pourcentage des femmes ayant fait des études postsecondaires était inférieur à celui des hommes. Aujourd’hui, c’est l’inverse.

Parmi les jeunes adultes, les progrès sont assez spectaculaires : plus du tiers des femmes âgées de 25 à 34 ans détiennent un diplôme universitaire comparé à un quart d’hommes.

Pourtant, encore aujourd’hui, le travail des femmes est souvent sous-évalué. Les plus récentes données publiées par l’Institut de la statistique du Québec révèlent qu’en 2011, le salaire horaire moyen des femmes atteignait 20,11 $, comparativement à 22,81 $ pour les hommes. Le salaire horaire gagné par les femmes représentait donc, en moyenne, 88 % de celui des hommes comparativement à 83 % en 2001.

Ne gâchons pas notre plaisir et réjouissons-nous des gains réalisés. Toutefois, restons préoccupées du fait qu’un écart important subsiste. Surtout parce que moins du tiers des écarts de salaires s’explique par les choix différents que font les hommes et les femmes quant au domaine d’étude ou de profession, au secteur d’activité, au régime de travail ou au nombre d’heures travaillées. Plusieurs études récentes s’appuyant sur les méthodes d’analyse les plus rigoureuses ont montré que ce serait plutôt les différences dans le rendement que les femmes et les hommes tirent de leurs caractéristiques professionnelles qui donnent lieu aux écarts que nous observons.

Parmi un nombre croissant de recherches sur le sujet, on peut citer les résultats de deux chercheurs de l’UQAM, Brahim Boudarbat et Marie Connolly, montrant que, même parmi les diplômés du postsecondaire de 2005, et seulement deux ans après l’obtention de leur diplôme, un écart existe à l’avantage des hommes alors que sur la base des attributs professionnels des unes et des autres, l’avantage salarial devrait plutôt être du côté des femmes.

Est-ce leur rôle de mères qui pénalise tant les femmes sur le marché du travail ? La « pénalité du bébé » est un phénomène bien documenté. Les femmes qui ont eu des enfants gagnent moins que les femmes qui n’en ont jamais eu. Mais là encore, une part importante de l’écart demeure inexpliquée : elle n’est pas expliquée par le fait que la productivité des mères pourrait être moindre à cause des interruptions dans leur carrière pour prendre soin des enfants, de la détérioration de leur capital humain qui pourrait survenir pendant un retrait temporaire du marché du travail ou même d’une productivité qui serait plus faible chez les mères lorsqu’elles reviennent sur le marché du travail à cause de leurs plus lourdes responsabilités familiales.

On avance parfois que les femmes sont davantage intéressées par les aspects non pécuniaires des emplois. Ce serait par choix qu’elles privilégient des professions ou secteurs d’activité qui leur donnent plus de flexibilité, quitte à être moins bien payées. Or, ne serait-ce pas plutôt que les femmes sont prêtes à accepter des salaires plus bas si c’est là la seule façon de concilier leur rôle de mère et de travailleuse ? La nuance est fondamentale, il me semble.

Il est crucial d’encourager les femmes à élargir leurs horizons quant aux domaines d’étude qu’elles choisissent, de les soutenir lorsqu’elles empruntent des voies moins traditionnelles et de s’assurer qu’elles investissent les hautes sphères de l’économie et les centres décisionnels. Mais si l’on désire réellement atteindre une meilleure égalité économique entre les femmes et les hommes, il faut aussi, tout simplement, rémunérer les femmes à leur juste valeur.

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