Libre opinion - Un tournant décisif pour la radiodiffusion publique
Pour la première fois depuis 12 ans, l'ensemble des licences de CBC-Radio-Canada feront l'objet d'un renouvellement auprès du CRTC. Pensez à tout ce qui s'est passé entre-temps. La technologie a transformé le paysage médiatique. Les gens ont changé leurs habitudes à l'égard des médias. L'intégration massive de l'industrie de la radiodiffusion a augmenté l'importance de l'enjeu — non seulement pour le consommateur, mais aussi pour le citoyen. Nous amorçons donc un tournant décisif. Les Canadiens ont leur mot à dire dans le débat, parce que, selon la tournure des événements, la réglementation peut aider le radiodiffuseur public à progresser, l'entraver ou le mettre en marge d'une industrie canadienne essentielle.
Depuis 75 ans, la vie culturelle et démocratique est au coeur de ce que nous faisons. Mais nous pouvons toujours faire mieux. C'est pourquoi nous nous préparons en prévision de l'avenir. Depuis que nous avons lancé notre stratégie 2015 «Partout, pour tous», en février, nous faisons des progrès dans la mise en oeuvre de notre plan quinquennal, dont l'objectif est d'offrir encore plus de contenu distinctif, d'améliorer et d'accroître nos services régionaux et de doubler nos investissements dans les plateformes numériques.Radio-Canada a déjà lancé ESPACE.MU (son nouveau site web musical) et un certain nombre d'applications, dont l'application à succès TOU.TV pour l'iPhone et l'iPad, remodelé le site Radio-Canada.ca, annoncé le lancement en décembre d'EXPLORA, un nouveau service spécialisé de langue française consacré à la science, à la santé, à la nature et à l'environnement, et devancé de six mois le lancement de sa station multimédia à Rimouski, qui aura lieu à l'automne 2012.
CBC a relancé son site CBC News — offrant notamment de nouvelles applications mobiles et une application iPad pour CBC Television — et annoncé les premiers détails de son plan pour accroître sa présence régionale et intensifier ses activités locales, en créant des services à Kamloops et en améliorant ses services à Victoria, Kelowna, Toronto et Calgary. Nous comptons ainsi joindre six millions de Canadiens de plus dans leurs communautés au cours des cinq prochaines années.
Et ce n'est qu'un début... Cependant, nous avons besoin d'un cadre réglementaire assez souple pour nous permettre d'aller de l'avant. En somme, nous nous engageons à être encore plus présents et plus pertinents et à approfondir notre relation avec les Canadiens — sans demander de nouvel investissement public. Pour être en mesure de tenir cette promesse, nous avons besoin d'une réglementation souple qui aura pour effet de stimuler notre progrès, et non de le freiner. Comme le président du CRTC l'indique: «Des modifications réglementaires sont requises pour tenir compte du nouvel univers numérique.» En effet, dans le monde des médias, les joueurs utilisent des moyens modernes. Nous avons donc besoin de règles modernes. Nous avons besoin de règles simples.
Tandis que nous nous tournons vers le CRTC pour obtenir des conditions adéquates, le Conseil a invité les Canadiens à faire connaître leur point de vue au moyen d'une consultation en ligne ou par lettre. Si les Canadiens ont à coeur la radiodiffusion publique, c'est le moment de le faire savoir ouvertement. Les recherches démontrent que 90 % des Canadiens estiment qu'il est important d'avoir un radiodiffuseur public national. Nous espérons que les citoyens qui appuient le radiodiffuseur public seront nombreux à faire entendre leur voix auprès du CRTC.
L'échange d'idées est l'un des piliers de la culture et de la vie démocratique canadiennes. En remplissant son mandat de service public, CBC-Radio-Canada suscite de fortes opinions — il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. Nous accueillons volontiers ces opinions. Nous reconnaissons le principe selon lequel nous devons répondre de nos actes et de la façon dont nous agissons. La radiodiffusion publique est un dialogue public. Comme nous le savons tous, certains dialogues sont plus lourds de conséquences que d'autres. Pour CBC-Radio-Canada, le dialogue qui va bientôt s'amorcer est d'une importance primordiale.
Comment les Canadiens peuvent-ils y participer? Ils peuvent faire parvenir une lettre au CRTC afin de faire savoir que CBC-Radio-Canada a besoin d'une réglementation simple qui lui permettra de s'adapter aux besoins et aux intérêts de ses auditoires dans un environnement de radiodiffusion en constante évolution, d'un financement stable qui l'aidera à améliorer ses services et d'un accès facile à toutes les plateformes de distribution que les Canadiens utilisent.
Ils peuvent insister sur le fait que la pleine valeur de la radiodiffusion publique va bien au-delà d'un simple service de diffusion, que chaque dollar que les Canadiens investissent dans leur radiodiffuseur public crée près de quatre dollars en valeur économique — soit une valeur totale de 3,7 milliards de dollars — ce qui permet de soutenir des milliers d'emplois et d'entreprises, dont bon nombre dans le secteur privé.
Ils peuvent dire que le modèle de la radiodiffusion publique au Canada est efficace et productif. Ils peuvent signaler que, en plus de satisfaire à un mandat de service public et de politique publique auprès de la population, ce modèle génère, pour notre pays et ses régions, un apport économique plus grand que celui d'un modèle privé — un impact qui serait diminué si l'on réduisait la portée de ce que nous faisons.
Ils peuvent rappeler que CBC-Radio-Canada contribue largement à notre système de radiodiffusion, dépensant plus dans la programmation canadienne que tous les autres radiodiffuseurs généralistes combinés, soit 683 millions de dollars comparativement à 640 millions de dollars, ce qui permet non seulement de soutenir le secteur de la production indépendante, les économies locales et les nouvelles technologies, mais aussi de les renforcer, et que cela favorise une diversité de voix et l'éclosion du talent canadien.
Les Canadiens peuvent dire au CRTC que, même si CBC-Radio-Canada ne peut pas combler tous les besoins de chaque personne, il peut représenter quelque chose d'important pour ce pays et dans la vie de tous les citoyens.
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Hubert T. Lacroix, président-directeur général de CBC-Radio-Canada
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