Libre opinion - Et les mauvais parents, eux ?

Il existe un tabou en éducation: il est mal vu des collègues qu'un enseignant critique publiquement les parents. Après tout, ce sont eux qui paient notre salaire, dit-on. Même silence de la part d'un commissaire scolaire ou d'un ministre qui aurait peur de perdre des votes.

Pourtant, dans tout le débat entourant les enfants en difficulté et la performance du système scolaire québécois, un des grands facteurs qu'on néglige de mentionner, ce sont ces parents qui ne démontrent aucun intérêt pour la réussite de leur enfant ou qui ne cessent de remettre en question le travail effectué par l'école.

Combien de fois dans ma carrière ai-je côtoyé des élèves dont les parents se moquaient de leurs apprentissages? Des jeunes beaux, fins, intelligents, mais complètement abandonnés par ce qui a l'allure de géniteurs trop occupés ailleurs.

Je pense entre autres à cette mère d'un enfant en difficulté qui refusait de venir discuter de son jeune à l'école et à qui on avait même offert une rencontre le soir ou la fin de semaine avec, en plus, le transport en taxi! Oui, parfois, il faut savoir lâcher prise et mettre un jeune devant ses difficultés, mais cela ne veut pas dire se laver les mains de tout ce qu'il fait... surtout quand il a 14 ans.

Combien de fois ai-je dû affronter des parents qui nuisaient à leur enfant en le défendant pour des actions et des attitudes qui mettaient en péril sa réussite? À force de vouloir être l'ami de leur fils ou de leur fille, ces parents finissent par en être le pire ennemi, sans compter qu'ils réduisent à néant tous les efforts que l'école entreprend. Dans certains cas, ce n'est pas tant qu'ils les défendent, mais qu'ils veulent éviter simplement de trop se casser la tête et d'assumer leurs responsabilités.

Et puis, que vaut l'avis d'un directeur d'école ou d'un enseignant quand vient le temps de juger de ce qui est bon pour un jeune? Parce qu'un parent est déjà allé à l'école, il devient un authentique gérant d'estrade et semble savoir ce qui est bon pour sa progéniture. Comment doit-on réagir devant cette note écrite par une mère dans un carnet scolaire d'un élève: «Mon fils avait mieux à faire que votre devoir hier soir. Merci.»

Je ne compte plus les parents qui mentent à outrance pour motiver les absences de leur enfant, absences dont les motifs vont d'un rendez-vous chez la coiffeuse à la pose de pneus à neige pour la voiture de leur chérubin. Ou encore ces avocats sans diplôme qui contestent la moindre sanction donnée à leur petit ange innocent ou qui remettent en question le code de vie de l'école, dont ils auraient dû prendre connaissance en début d'année. Et je ne parle pas des menaces ou de l'intimidation pendant que l'enfant est présent devant l'enseignant: «Je vais te faire perdre ta job, mon câliss!» Voilà donc une belle façon de montrer à respecter l'autorité!

Qu'on me comprenne bien: il existe d'excellents parents qui accompagnent correctement leur enfant dans leur parcours scolaire. On remarque souvent leur présence dans les groupes performants. C'est d'ailleurs à se demander si c'est le potentiel des enfants ou l'engagement des parents qui explique le succès scolaire de certains jeunes.

Dans le cas d'élèves en difficulté, leur engagement est souvent déterminant. J'ai eu un véritable plaisir à enseigner à des enfants dyslexiques ou hyperactifs dont les parents étaient présents et travaillaient en équipe avec l'école. En collaboration avec eux, j'ai eu l'impression de faire une différence et de permettre à un jeune de surmonter ses problèmes.

Malheureusement, au Québec, les mauvais parents — tout comme les mauvais élèves — finissent par peser de tout leur poids sur un système d'éducation qui a bien d'autre chose à faire que de s'occuper de leur manière toute personnelle de considérer l'école. On consacre un temps important à scolariser leurs enfants malgré eux au lieu de s'occuper des élèves et des parents qui ont à coeur la réussite scolaire.

Pour certains parents, une école est tout au plus un service de garde et la scolarisation de leur jeune, une corvée. Ils savent que leur comportement sera toléré. Il semble d'ailleurs impossible de responsabiliser ceux qui abusent ainsi du système d'éducation. Comme directeur, essayez de faire un signalement à la DPJ stipulant que des parents ne s'assurent pas de la fréquentation scolaire de leur enfant. Comme enseignant, essayez de convoquer des parents qui ne veulent rien savoir. Vous perdrez votre temps, parce que les intervenants scolaires ne disposent d'aucun pouvoir véritable sinon que de renvoyer systématiquement un enfant chez lui jusqu'à ce que ses parents n'en peuvent plus.

Il serait grand temps que certains parents réalisent — ou qu'on leur fasse réaliser — que l'éducation n'est pas un service mais un privilège, ainsi qu'une obligation sociale et légale. Il serait grand temps qu'on les responsabilise. Mais ça non plus, il ne faut pas le dire... C'est un autre tabou.


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