Lettre au premier ministre - Abolissez les subventions agricoles aux pollueurs
Le 13 décembre dernier, le Commissaire au développement durable du Québec, Harvey Mead, a rendu public son tout premier rapport annuel. Le tiers de son document était consacré à la gravité de la situation dans le secteur agricole et, en particulier, aux politiques inadéquates de votre gouvernement en matière agroenvironnementale. Au fond, la crise des algues bleues, objet de notre dernière correspondance, n'était que le symptôme d'un mal plus profond.
M. Mead a fait douze recommandations au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) et trois au Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP). Bien sûr, même si l'ensemble de ces recommandations trouvait écho dans des politiques publiques, cela ne résoudrait pas totalement les nombreux problèmes environnementaux que nos gouvernements successifs ont générés dans les régions du Québec.Cependant, la mise en oeuvre rapide de ces recommandations enverrait un signal positif indiquant que vous êtes prêt à prendre un virage vert en agriculture, à changer de modèle agricole tout en parant au plus pressé. Greenpeace vous recommande donc de mettre en place, sans délai, toutes les recommandations du Commissaire au développement durable. Par l'entremise de la Financière agricole du Québec, le gouvernement subventionne l'agriculture. 62 % du budget du MAPAQ y passe! De plus, la Financière agricole est de facto gérée par l'UPA, qui en assume la présidence en plus de détenir 5 sièges sur 11 à son conseil d'administration.
En enlevant les frais de fonctionnement du MAPAQ, il ne reste plus à ce ministère qu'un maximum de 15 % de marge de manoeuvre. Si l'on exclut les pêcheries du budget du MAPAQ, 406 M$, soit plus de deux fois le budget du ministère de l'Environnement (sans les Parcs) va tout droit à la Financière agricole, hors du contrôle véritable du gouvernement.
Ce problème de gouvernance majeur mine les capacités budgétaires et politiques du gouvernement à véritablement orienter les politiques agricoles vers des objectifs de développement durable. Cette conclusion est partagée par le Commissaire au développement durable.
C'est d'autant plus vrai qu'un nombre important de subventions aux agriculteurs profite en fait aux grandes entreprises en amont (les fournisseurs d'engrais, de pesticides, de semences, d'OGM comme Monsanto) ou en aval (les transformateurs et détaillants comme Loblaws, Metro et IGA). En 2004, le gouvernement a adopté l'«écoconditionnalité» afin que le soutien financier soit tributaire du respect de la réglementation. Depuis, peu de choses ont changé. Si le gouvernement cite souvent en exemple les 18 200 fermes qui ont produit un bilan de phosphore, il n'a jamais donné de preuves concrètes, depuis tout ce temps, qu'une vérification indépendante a été réalisée d'une façon systématique.
En revanche, le commissaire a trouvé parmi les rares données rendues disponibles par le MAPAQ des preuves du contraire dans le secteur porcin. On peut lire dans son rapport qu'au moins 57 éleveurs de cochons avaient reçu de la Financière agricole 42 millions de dollars en subventions... sans mettre en place les mesures relatives à l'«écoconditionnalité», soit sans respecter des règlements et normes environnementales déjà très peu strictes (un exemple: la conformité aux règles de protection des rives n'est pas exigée dans l'«écoconditionnalité»). Cela signifie que chaque éleveur de cochons, qui a officiellement enfreint les normes du gouvernement, a reçu en moyenne 700 000 $. Bref, les politiques gouvernementales ont littéralement créé des pollueurs payés! Imaginez le scandale si, depuis 2004, les chauffards du Québec recevaient une subvention en lieu et place d'une contravention. Il s'agit là d'une bien drôle de façon de faire respecter une loi!
En conséquence, Greenpeace exige la mise en place de toutes les recommandations du Commissaire au développement durable et le respect des règlements par tous. Il faut s'assurer que les agriculteurs qui respectent les règlements du gouvernement ne soient pas pénalisés pour ceux qui les violent ouvertement.