La course contre la montre en santé
Notre système de santé est en sérieuse difficulté et justifie une intervention musclée de la part du gouvernement. Le ministre Dubé s’est lancé dans une course contre la montre avec un projet de loi qui comprend 340 pages et 1180 articles en espérant obtenir des résultats à court sinon à moyen terme. Au chapitre de la structure, le monstre à deux têtes qu’il propose et qui jumelle le décisionnel avec l’opérationnel en haut lieu n’a rien de décentralisé, ce qui devra nécessairement être révisé. Au chapitre du fonctionnement, les trois grandes priorités qui sont de mater les syndicats, mettre au pas les médecins spécialistes et corriger la pénurie des infirmières s’annoncent complexes à gérer. Historiquement, le pouvoir syndical justifie son existence pour contrebalancer le pouvoir patronal.
Dans le système de santé, le pendule a basculé et les syndicats ont acquis un pouvoir tel qu’ils imposent un agenda souvent difficile à concilier avec l’agenda ministériel. Le ministre doit donc trouver un créneau favorable à la négociation et avant tout éviter « une troisième guerre mondiale », pour citer Gaétan Barrette, qui ne voit pas d’issue sans affrontement. Les médecins spécialistes, sous le règne du président Barrette, ont raté l’occasion de travailler en collaboration avec les médecins de famille et il y a même eu un climat de tension. Le ministre doit inciter les deux présidents de leurs fédérations respectives à prendre le leadership de travailler ensemble pour assurer l’accès et le continuum des soins, diminuer les listes d’attente, libérer les urgences et impliquer l’ensemble des médecins au programme de pertinence des actes diagnostiques et thérapeutiques.
Pour ce qui est de la pénurie d’infirmières, la contribution des agences privées est indispensable pour assurer la transition. Il est vrai qu’elles ont profité à outrance de la situation, laissées à elle-même et tolérées par des gouvernements successifs. Toutefois, le ministre doit compter sur leur collaboration et peut-être même concevoir en bout de piste une saine complémentarité et soutenir le système public plutôt que le cannibaliser.
Le ministre Dubé s’est avéré l’homme de la situation lors de la pandémie et il a droit à notre confiance pour asseoir le système de santé sur de nouvelles fondations. En bon gestionnaire, il doit se faire rassembleur, être à l’écoute et faire confiance aux gens qui disposent de la connaissance et de l’expérience du réseau. Finalement, il doit surtout éviter que les fameuses colonnes du temple qu’il a l’intention de secouer ne soient pas plutôt affaiblies davantage, comme c’est arrivé trop souvent dans le passé.