D’où nos valeurs proviennent-elles?
Dans un texte publié récemment dans Le Devoir, Gérard Bouchard s’interroge sur la provenance de nos valeurs, et tout particulièrement de la valeur de solidarité. Il admet sans doute que « le catholicisme enseignait aussi la liberté, l’entraide, la solidarité, l’éthique du travail », mais affirme aussitôt que « nos valeurs ont émergé malgré l’opposition de l’Église ». Dans la suite de son texte, il ne parle plus du catholicisme, mais de l’Église entendue non pas comme communauté de foi, mais comme hiérarchie engagée dans l’action politique.
Or, l’Église hiérarchique n’est pas le tout de l’Église catholique, et le catholicisme ne peut se réduire aux valeurs que certains de ses membres pouvaient privilégier à une époque donnée. Pour bien prendre en compte l’influence du catholicisme sur les valeurs québécoises de solidarité, ne faudrait-il pas aussi se tourner vers, entre autres, ces filles de défricheurs qui, animées par une foi profonde, se sont mises au service des malades, des prisonniers, des démunis, des enfants pauvres de la campagne, des orphelins, des itinérants des villes etc. ? Peu à peu, elles ont mis sur pied ces « hôtels-Dieu » qui sont devenus nos grands hôpitaux modernes ; elles ont établi dans les villes et dans les campagnes les plus pauvres des écoles et des couvents qui ont servi de base à notre système d’éducation. Par leurs actions, ces femmes ont longtemps imprégné les valeurs de solidarité du Québec, parfois même lorsque cela créait des tensions avec les évêques. Et peut-on être sûr que ces défricheurs dont parle l’article n’ont pas été en partie inspirés dans leurs engagements par leur foi chrétienne, si balbutiante fut-elle Leur espace n’était-il pas marqué par l’église du village qu’ils avaient voulu construire ? Le temps n’était-il pas encadré par le rythme des fêtes chrétiennes ?
Le reconnaître aujourd’hui n’est pas un refus des valeurs que le Québec veut privilégier dans une société où la racine canadienne-française devient minoritaire et où un nouveau nationalisme est en train de se construire. En effet, nous intégrons l’histoire que nous racontent les autochtones et les immigrants qui nous viennent de toutes les parties du monde. Mais renier ce que nous avons été, oublier une partie de notre propre histoire, c’est le chemin tout tracé vers la capitulation.