Un affront à notre souveraineté culturelle
Lors de l’adoption du nouvel Accord Canada — États-Unis — Mexique en septembre 2018, le gouvernement canadien se réjouissait d’avoir pu y maintenir l’exemption culturelle. On qualifiait le tout de gain important. Nous avions sauvé l’essentiel pour protéger notre « souveraineté culturelle ».
Quelques jours plus tard, Véronique Guèvremont, professeure titulaire de la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, et Ivan Bernier, professeur émérite de la Faculté de droit de l’Université Laval, émettaient un tout autre son de cloche.
En effet, les deux s’inquiétaient qu’une clause de représailles eût été ajoutée à ce nouvel accord.
« Si le Canada décidait tout de même d’aller de l’avant avec l’adoption de telles mesures adaptées au numérique, couvertes par l’exemption culturelle du nouvel AEUMC, il ne nous resterait plus qu’à espérer que les États-Unis s’abstiennent de recourir à leur droit de représailles et qu’ils renoncent à nous demander le paiement de quelque compensation que ce soit. » (Le Devoir, 5 octobre 2018)
Eh bien, nous y sommes.
Une coalition d’entreprises numériques américaines a fait parvenir une lettre au président Joe Biden avant sa rencontre avec le premier ministre canadien. Ces entreprises se plaignent des projets de loi C-11, sur la diffusion continue en ligne, et C-18, sur les nouvelles en ligne.
Selon un extrait de cette lettre adressée au président américain, la coalition dénonce les deux projets de loi à l’étude :
Nous craignons que le Canada poursuive un certain nombre de propositions et d’actions problématiques qui pourraient limiter considérablement la capacité des entreprises américaines à exporter leurs biens et services et à concurrencer équitablement sur le marché canadien.
Pourrait-il y avoir des représailles en vertu de ce nouvel accord commercial entre les trois « amis » nord-américains, comme le craignaient Véronique Guèvremont et Ivan Bernier ? Si tel était le cas, nous pourrions assister à un véritable affront à l’encontre de notre souveraineté culturelle.
Souhaitons que nos milieux culturels, nos médias et nos deux ordres de gouvernement réagissent avant que le goût de représailles de nos voisins du Sud, où, rappelons-le, logent les « barbares numériques » (américains), ne les prenne.