Désastre du français écrit: quand on se compare, on se désole

L’hécatombe dans la maîtrise du français que déplorent toutes les chroniques sur le sujet a-t-elle des équivalents dans d’autres langues ? Il serait très intéressant de faire une recherche dans les journaux anglais, espagnols, italiens, ainsi que dans les collèges de formation des enseignants en ces langues, par exemple, pour voir si leurs étudiants ont les mêmes problèmes que les nôtres. Et sinon, pourquoi ? Les élèves de leurs écoles primaires et secondaires lisent-ils plus de livres, les méthodologies sont-elles différentes, les élèves font-ils plus, ou moins, de dictées, mémorisent-ils plus de règles de grammaire, ont-ils plus d’aide personnalisée ? Je serais prêt à parier que leur situation est moins catastrophique que la nôtre. Si leurs apprenants connaissent probablement autant de problèmes de construction de phrases, de vocabulaire, de ponctuation, de style, je doute très fort qu’ils fassent autant de fautes d’orthographe que les jeunes (et les moins jeunes) francophones. Et comme ces fautes expliquent une bonne partie des échecs aux examens officiels, ce sont elles qui devraient retenir proportionnellement l’attention qu’elles méritent dans les correctifs à apporter.

Or, si toutes les chroniques que j’ai lues jettent le blâme à qui mieux mieux sur les niveaux inférieurs (dans le cas des cégeps), sur les nouvelles pédagogies, le manque d’intérêt pour la lecture, les médias sociaux, etc., aucune ne mentionne le fait que l’orthographe française se classe parmi les plus difficiles au monde. Les Italiens et les Espagnols (et les Portugais, et les Allemands…) ont récemment considérablement simplifié leur orthographe. Et l’anglais a beau être aussi complexe que le français pour ce qui est de son orthographe lexicale (dans des mots comme thought, tough, through, true, par exemple), son orthographe grammaticale, source de tant de fautes en français, est infiniment plus simple : elle ne comporte aucun accord des adjectifs ni du participe passé et elle contient un nombre beaucoup moins grand de suffixes grammaticaux, lesquels s’y prononcent d’ailleurs toujours, contrairement à un grand nombre de suffixes grammaticaux français — par exemple dans « je prend(s) », « tu va(s) », « ils chant(ent) ».

Il est grand temps de revoir en profondeur cette orthographe archaïque, bourrée de traquenards et de règles aussi complexes qu’inutiles, et de cesser de se renvoyer la balle concernant quoi, et surtout qui, blâmer pour ce désastre.

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