L’engourdissement
Jacques Bainville n’avait pas tort. Ce qui est curieux, écrivait-il, ce n’est pas que tout ait été dit, c’est que tout ait été dit en vain, de sorte que tout est toujours à redire.
Et s’il y a une chose qu’on a entendue sur toutes les tribunes au cours des derniers temps, c’est bien le rappel d’à quel point le gouvernement du Québec, sur la scène fédérale et devant le reste du Canada, se fait dire non sur tout, tout le temps, que ce soit en matière de santé, d’environnement, d’immigration, de déclaration de revenus, de langue, etc. On le dirait en état d’engourdissement. Il plie sans cesse devant Ottawa et se fait dicter sans rouspéter la marche à suivre. Redisons-le : sans déploiement des rapports de force nécessaires, toute négociation est un jeu à somme nulle. Ce qui revient, pour les partisans d’un fédéralisme d’accommodement, à cracher dans la tempête ou à pousser sur la marée en espérant qu’elle se retire.
À voir aller le premier ministre du Québec, on se demande comment il peut se contenter de si peu. Le moins qu’il pourrait faire, comme d’autres premiers ministres avant lui en ont déjà eu le courage, c’est de mettre le poing sur la table. Il y a une limite à tout. Le peuple du Québec a d’autres priorités que celle de se faire marcher sur les pieds.
François Legault est un bon diable. Il fait son possible, entend-on tout aussi souvent. Comme quoi l’engourdissement a deux faces. À l’inertie du pouvoir en place se jouxte l’indifférence d’une majorité de la population. En cette ère incertaine, aggravée, il est vrai, de circonstances inquiétantes sur le plan économique, pour plusieurs, il vaut mieux se contenter de ce que l’on a. Dans leur esprit, c’est toujours ça de pris.
Pour les autres, pour les quelques indépendantistes qui restent, Guillaume le Taciturne ne saurait cette fois être démenti : il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Pessimiste ? Non. Car le vrai pessimiste, nous rappelait Hervé Le Tellier dans L’anomalie, est celui qui estime qu’il est peut-être trop tard pour l’être. Persévérons.