Les anciens et les modernes
Les mythes sont à la base de notre humanité. C’est en se racontant des histoires que les hommes tentent de saisir le sens de leur existence. Et c’est en partageant des mythes qu’ils ont réussi à s’unir au sein de grands groupes. La croyance commune à des mythes a fait la force de l’Homo sapiens, celle du nombre, face à l’Homme de Néandertal, qui était individuellement plus fort que lui.
M. Lisée, dans sa chronique du 24 décembre, « Le premier complot », donne quelques exemples de mythes très anciens qu’il qualifie de mensonges. Mais il ne rend pas compte des croyances actuelles, celles de la modernité. Par exemple, la valeur des monnaies et celle des actions en bourse reposent sur la croyance. Quand cette confiance est perdue, leur valeur disparaît. Le credo de la croissance économique est une autre croyance largement partagée et entretenue par les économistes, les journalistes et les politiciens. Cette croyance est fondamentale dans l’essor du capitalisme. Pour le meilleur et pour le pire.
Dans le domaine politique, la nation est une construction mythique qui a permis l’organisation de très grands groupes de Sapiens. Là encore, si les hommes cessent d’y croire, la nation disparaît. Son existence dépend complètement de la croyance en elle. Les nations n’ont pas toujours existé, et il n’est pas certain qu’elles existeront encore dans l’avenir. Elles dépendent de la force de conviction des nationalistes, de leur capacité à faire croire à la majorité qu’elles existent vraiment. La mondialisation économique et culturelle s’oppose au nationalisme.
« La » science, ou plutôt la croyance que « la » science allait régler tous les problèmes et conduire l’humanité au paradis terrestre est un autre mythe fondateur de la modernité. Beaucoup de gens n’y croient plus. Les mythes fondateurs de la modernité sont ébranlés. Voilà ce qui explique les nombreuses dépressions, notamment celles des jeunes. Pour restructurer les sociétés, il faudra créer d’autres mythes, qui permettront la participation du plus grand nombre à des projets communs.