Encore heureuses…

Les vaches en cavale de Saint-Sévère, en Mauricie, me font penser au titre du livre d’Henri Laborit L’éloge de la fuite, ou à cette phrase de Nietzsche qui recommande à ses lecteurs ceci : « Observe le troupeau qui paît sous tes yeux… » Nietzsche aimait regarder les vaches. « Car elles ruminent comme les humains pensent… » affirme-t-il quelque part dans ses écrits. Je regarde cette photo de doux ruminants qui nous font tant rêver. J’aime m’imaginer que la nature, à travers elles, construit sereinement une métaphore, mais de quoi ? Qu’est-ce que ces vaches veulent bien nous dire dans ce calme sacré dont elles seules connaissent le secret ? Peut-être que cette fugue spectaculaire nous envoie un cri de détresse. Implacable ! Alarmiste ! « Arrêtez le massacre dans nos abattoirs ! Sortez les vaches, les porcs et les poules de leurs prisons industrielles, ils et elles ont droit, dans la belle saison, de goûter au soleil, au grand air, de picorer le sol, de fouiner dans la terre, de brouter le doux pâturage des champs destinés à leur bonheur d’animal. » J’aime m’imaginer entendre ces vaches dans leur langue de bovidés, dans ce silence zen qui les honore, transformer le titre du célèbre livre de Christiane Rochefort, une sorte de bible des drop-outs, et dire tout simplement, au-delà de cet hiver qui s’annonce : « Encore heureuses qu’on va vers l’été… »

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