Le respect des droits acquis
En vertu de la loi actuelle (c. S-32.0001), les maisons de soins palliatifs ont le choix de permettre ou non à leurs patients de recourir à l’aide médicale à mourir (AMM) comme mode de fin de vie. Par le projet de loi 38, le gouvernement veut supprimer ce choix et forcer toutes les maisons de soins palliatifs à fournir l’AMM, sans pour autant sauvegarder les droits acquis des maisons existantes. Cela est contraire à tous les principes de législation et constituerait un fâcheux précédent pour l’avenir.
Rien n’empêche le Parlement de légiférer pour le futur, que sa loi soit bonne ou mauvaise. Mais il doit s’abstenir de légiférer rétroactivement, pour le passé. Il ne le fait d’ailleurs que dans des cas tout à fait exceptionnels, ce qui est loin d’être le cas ici.
Au Québec, les maisons de soins palliatifs sont des organismes sans but lucratif qui reçoivent souvent plus de 50 % de leur financement de dons généreusement fournis par la communauté. Elles ont besoin de faire des campagnes de financement aussi bien pour leurs coûts de construction (pour lesquels le gouvernement ne fournit rien) que pour leur fonctionnement annuel.
Bien que je sois membre du CA de la Maison de soins palliatifs et centre de jour St-Raphaël, j’écris la présente lettre à titre purement personnel, ayant moi-même participé à la rédaction de plusieurs lois québécoises et étant familier avec les règles de la rédaction législative.
La Maison St-Raphaël a décidé, avant même d’ouvrir ses portes et conformément à la loi, de ne pas permettre à ses bénéficiaires de choisir l’AMM comme mode de fin de vie dans ses murs, et l’a publiquement annoncé. Elle le précise d’ailleurs à tous ceux et celles qui veulent recourir à ses services. C’est dans cette optique qu’elle a pris ses engagements contractuels et qu’elle sollicite la générosité du public, dont elle a reçu jusqu’à maintenant des dons d’une valeur de plus de quinze millions de dollars. La nouvelle loi la mettrait donc dans une situation inextricable.
Heureusement, cela peut être facilement évité : il suffit que la nouvelle loi préserve les droits acquis des maisons existantes qui ne permettent pas le choix de l’AMM dans leurs murs et que le Parlement ne légifère que pour les maisons créées à l’avenir. C’est ce qui se fait toujours dans des cas semblables, car le respect des droits acquis est un principe essentiel de justice universellement respecté.