Les bêtes
Les êtres humains sont des bêtes très agitées. S’ils sont capables d’intelligence, ils n’aiment par ailleurs pas réfléchir. Ils préfèrent s’agiter, bouger en tous sens, courir vers un ailleurs qui les éloigne de l’ici dans lequel ils se prétendent prisonniers.
À l’hiver et au printemps 2020, le monde entier s’est tout à coup retrouvé suspendu ; en situation de crise en raison de la pandémie de COVID-19, il fallait tout arrêter. Le confinement que nous avons alors vécu nous incitait à un long moment de réflexion et de silence. Au-dessus de nos têtes, le ciel est redevenu ce qu’il avait été avant l’invention de l’avion. Vide. Calme. Silencieux. Les grandes villes, partout vidées de leur trafic, sont aussi devenues très calmes, comme nous ne les avions jamais connues, tellement calmes, en fait, que même dans les plus grandes villes du monde, nous y avons vu et entendu des oiseaux qui ne nous côtoyaient plus. Sur les grands fleuves et les mers, les grands navires ont cessé de naviguer. Les villes portuaires ont connu un tel apaisement que l’eau des cours d’eau est redevenue transparente, dans laquelle nous avons aperçu des poissons, là où personne n’en trouvait plus !
Nous sommes nombreux à avoir alors espéré que les êtres humains en tireraient une leçon…
En février 2022, au Canada et partout ailleurs dans le monde, les routes et le ciel sont de nouveau engorgés. Le trafic a repris comme avant et nous réclamons même de nouvelles constructions de routes, de ponts et de tunnels… Comme auparavant aussi, quand l’impatience et la colère gagnent la population, les gens ont recommencé à manifester en toute liberté. Cependant, pour rattraper peut-être un peu de l’esprit pollueur que nous avions délaissé, nous avons cette fois choisi de manifester en automobile, en camionnette et en camion… Les moteurs et les klaxons ont résonné — sans raisonnement — au centre des grandes villes, polluant et saccageant le bien-être des autres plus que jamais.
Les êtres humains ont donc compris que la réflexion et la prise de conscience n’étaient pas pour eux puisqu’ils ne sont encore et toujours que des bêtes. La claque au visage qu’a été la pandémie de COVID-19 n’a sonné aucun éveil intellectuel. Les bêtes continuent de hurler, d’agir, de nuire, de détruire, et ce, surtout sans réfléchir aux conséquences de ces gestes. Il n’y a pas de quoi en être fier.