Quand l’université perd sa boussole

J’ai été désolée d’apprendre que le professeur de science politique Jean-Pierre Derriennic avait été « remercié de ses services » par l’Université Laval, et la manière étonnante avec laquelle le tout s’est fait (deux ou trois semaines après le début du trimestre) soulève des questions sur la façon dont, quelquefois, on gère les petits problèmes.

J’ai été professeure au Département de science politique de l’Université Laval pendant un peu plus de 20 ans. J’ai été témoin de la grande rigueur de Jean-Pierre, de son immense dévouement dans l’encadrement des étudiants, de sa manière peu orthodoxe d’enseigner et de ses exigences hors normes. Il obligeait les étudiants à se dépasser, à foncer, à s’exprimer. Son incroyable talent oratoire et son expressivité rendaient une matière complexe parfaitement digestible. Jean-Pierre est un monument de culture générale, un puits sans fond de connaissances sur l’histoire politique et sur le Moyen-Orient.

Comme directrice de programme de premier cycle, j’ai aussi été témoin des initiatives de Jean-Pierre, pas toujours en phase avec le règlement… Mais il suffisait d’aller lui parler pour arranger le tout. Une demande bien ficelée enrobée de considérations pédagogiques reçoit toujours un accueil bienveillant du professeur Derriennic.

Un seul examen (officiel) à la fin du trimestre alors que le règlement en exige davantage ? La lecture de plusieurs plans de cours du professeur Derriennic laisse voir que des travaux pouvaient venir compléter l’évaluation des étudiants. Après deux décennies passées dans ce département, je peux témoigner que Jean-Pierre était celui qui encadrait le mieux ses étudiants (même lorsqu’il avait de très grands groupes). Et en 30 ans de carrière, j’ai rencontré très peu de collègues aussi dévoués et aussi talentueux sur le plan pédagogique.

Qu’un accroc au règlement qui n’engage en rien la qualité de l’enseignement, et qu’il suffisait probablement de régler par une discussion de 15 minutes avec le principal intéressé, mette fin à son implication dans le Département de science politique de l’Université Laval est consternant.

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