L’envers des faits d’hiver
Mourir de froid à 75 ans dans un campement de fortune sous un viaduc de la rue Saint-Jacques, c’est une tragédie, disait avec force émotion la mairesse Valérie Plante. On devrait ajouter que vivre à 75 ans dans un campement sous un viaduc, c’est aussi une tragédie. Une tragédie qui est probablement la dernière dans une longue série, l’aboutissement d’une histoire personnelle de tous les malheurs, de toutes les privations, de tous les mauvais coups du destin, de la famille, de la société, de soi-même peut-être aussi. Au-delà du fait divers, c’est toute une vie brisée dont on ne sait rien, qu’on soupçonne seulement, et qui donne à l’événement sa véritable profondeur tragique.
Un jeune est abattu en pleine rue, règlement de comptes entre bandes rivales, ceci explique cela. Mais derrière cette banalité, il y a tellement plus : des histoires de vie complexes, des parcours marqués chacun par son lot de souffrances et d’ambitions, sinon d’espoirs. Car, comme dirait l’autre, on ne naît pas gangster, on le devient. Un jeune assassiné, c’est une tragédie, rendue possible par une tragédie d’un autre ordre et d’une autre ampleur : les circonstances et conditions, familiales, communautaires, sociales qui ouvrent un chemin amenant des jeunes à s’investir dans une recherche de contrôle et une dynamique de violence.
Les médias font leur travail en rapportant les événements, mais nous gagnerions beaucoup à creuser un peu plus loin pour mettre au jour ce qui se trouve derrière et avant.