Campagne publicitaire végane et dérive humaniste
Qui est passé récemment par la station Berri-UQAM n’est certes pas resté insensible, attendri (sans jeux de mots) par le message végane qui s’étale à la fois sur les murs et les guichets. Ces montages photo qui mettent en scène une parodie de la famille, clament notre égalité avec les dindons, miment la dignité et suscitent la pitié m’ont tout simplement glacé le sang. Grégaires, nous partageons assurément des dénominateurs communs avec la nature, certains comportements sociaux s’apparentant souvent à ceux en vigueur au sein des meutes. Il reste que nous demeurons des êtres pensants dont l’identité et la valeur excèdent les ruminants.
Cet appel à l’égalité a quelque chose de faux moins dans sa proposition que dans ses conséquences. Les inégalités sociales progressent, se multiplient à l’échelle du monde sans qu’une réponse adéquate soit proposée. La pauvreté, la faim, une espérance de vie décroissante se polarisent de plus en plus face à une concentration des richesses scandaleuse. Le message végane oblitère ces réalités en dirigeant notre compassion vers les animaux. Derrière le veau ou le poussin je cherche l’enfant qui a faim, en deçà de ces mères à traire ou à plumer je cherche cette mère célibataire contrainte de se prostituer en fin de mois pour nourrir son enfant. Ce déplacement du regard exprime une inconscience, une démission de l’esprit telle qu’elle interroge le passant, le touriste, l’itinérant qui se postent devant ces images.
Il est remarquable de constater à quel point la pauvreté grandissante enrichit les solidarités mais appauvrit la charité, la nécessité de l’un diminuant la gratuité de l’autre. Comment ne pas se navrer de cette dérive humaniste qui s’éloigne de l’homme pour se rapprocher de la bête ? La pitié gagne en valeur avec sa rareté. Aussi n’a-t-elle pas de prix. Évitons de la gaspiller.