Personnes chargées de cours disqualifiées et dévalorisées
Ce que l’article de Jessica Nadeau sur les universités (« Au Canada, la précarité menace de plus en plus le personnel enseignant universitaire », 4 septembre 2018) ne dit pas, c’est que la plupart des personnes embauchées à titre de chargés de cours ne répondent pas aux critères d’embauche des postes de professeurs universitaires menant à la permanence. Un professeur d’université doit détenir au minimum un doctorat. Pour tout dire, il est encore plus souhaitable qu’il ait terminé des études postdoctorales. Et vlan dans les dents de tous les détenteurs d’un diplôme de 2e cycle, qui n’ont pas eu la chance et le privilège de terminer et de soutenir avec succès une thèse de doctorat (car plusieurs ont la scolarité sans le diplôme de 3e cycle).
En outre, c’est le dossier de chercheur qui est tributaire du succès d’un candidat au poste de professeur d’université. L’expérience et le talent en enseignement sont des atouts secondaires. Le chercheur étoile peut même se passer de toute expérience d’enseignement — ça s’apprend. Ce que les doctorants qui aspirent à devenir professeurs d’université doivent savoir, c’est que, dès qu’ils s’investissent en enseignement à titre de chargés de cours, ils réduisent paradoxalement leurs chances d’obtenir un poste menant à la permanence. D’une part, ils n’ont plus le temps de s’investir à fond dans un programme de recherche ; d’autre part, les comités de sélection savent qu’ils pourront continuer de compter sur eux à titre d’enseignants s’ils préfèrent embaucher un chercheur prometteur (tout nouveau, tout beau !).
À quand la valorisation de l’enseignement dans nos établissements d’enseignement postsecondaires ? Certaines universités canadiennes ouvrent la voie, en créant des postes d’enseignant menant à la permanence, réduisant ainsi l’anxiété générée par la précarité d’emploi et la non-reconnaissance de la contribution inestimable des personnes chargées de cours dans le parcours universitaire des étudiants en formation. Pendant ce temps, les chercheurs peuvent jouir de s’investir à fond dans leurs tours d’ivoire et laboratoires sans subir l’inconvénient de devenir de meilleurs enseignants. Tout le monde peut être gagnant !