Lettre à une grande chanteuse

Chère Betty Bonifassi,

Comment va ta voix, cette voix qui m’a subjuguée, émue jusqu’à la moelle, dans Les triplettes de Belleville ? Je te découvrais alors, et pour moi tu as été et tu es encore « la chanteuse des chanteuses ». Je n’en ai connu qu’une autre comme toi : Maurane, pour qui chanter aussi « musicalement » est hors de l’ordinaire.

Je t’ai suivie jusqu’à Lomax, impressionnée par tes recherches pour un projet que tu portais dans tes tripes depuis des années et qui devint ce superbe album, puis SLĀV, ce show… que je n’ai pas pu voir, entendre, ressentir, à cause de l’ignorance et de la victimisation des protestataires. Sans oublier la volte-face du FIJM, qui a ainsi donné raison à cette dérive alarmante de la ritournelle fort populaire « le monde change, il faut l’accepter ».

Voici une expression d’Hannah Arendt que je trouve parfaite pour décrire les dérives que nous vivons : « La dégradante obligation d’être de son temps ».

Pour finir, Betty,
Comment va ton coeur ?
Il a dû arrêter de battre jeudi soir à la sortie du Théâtre du Nouveau Monde
Il a dû tomber dans un nid-de-poule
Et, du coup, c’est le pied qui s’est cassé.

J’avais mes billets pour le vendredi, donc je n’ai pas vu le show !

Déjà, j’étais en colère en lisant dans les journaux les revendications de ces ignorants du processus de création chez les artistes.

Je le connais, ce processus, c’est comme une grosse éponge qui va et vient dans la vie en absorbant et en observant la comédie humaine et qui, en se tordant les boyaux, fait ressortir de ses entrailles dans une grande expiration les résultats de ses inspirations et la liberté de ses expressions : une liberté qui ne vendra jamais… enfin, pas encore. Il faut donc se battre pour la sauvegarder. Oui, on a bafoué la liberté d’expression. Je dirais plus, la liberté « d’inspiration » de grands artistes, Betty Bonifassi, Robert Lepage, et toute l’équipe de SLĀV.

Je vous salue, je vous embrasse et je suis persuadée que je verrai sous peu votre spectacle, que nous verrons SLĀV, car on est des milliers à vous attendre sans pancarte, sans slogan, l’esprit ouvert, comme le fut le vôtre pendant vos répétitions.

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