Le silence des autres hommes

Une réflexion collective s’impose après les révélations des derniers jours. Des hommes qui se croient irrésistibles, qui insistent, qui harcèlent, qui rigolent même du malaise de leurs proies, nous en avons presque tous connu. Ils profitent de leur pouvoir, de leur renommée, de leur fortune pour intimider ou même agresser sexuellement, en présumant que leurs victimes se tairont. Ils se disent qu’il en a toujours été ainsi, et que ce sera sans conséquence. Ils feignent ne pas se rendre compte des dégâts qu’ils causent. Or, le harcèlement sexuel est une forme d’intimidation et de prédation qui attaque l’intégrité physique et psychologique d’autrui. Ce n’est pas du tout anodin.

La séduction est un plaisir partagé ; le harcèlement sexuel est un désir imposé, sans respect ni empathie. Il ne devrait y avoir aucune ambiguïté entre les deux. L’homme politique américain Henry Kissinger a dit que le pouvoir était l’aphrodisiaque suprême. Il se trompe. Le pouvoir n’a rien de sensuel ou d’érotique quand il sert à brimer et à blesser les autres dans ce qu’ils ont de plus précieux : leur intimité.

L’éducation à la sexualité chez les hommes se fait beaucoup entre pairs. La masculinité, la virilité, ce sont en bonne partie des apprentissages. On a, bien sûr, raison d’espérer qu’une éducation sexuelle digne de ce nom aidera les hommes de demain à mieux se comporter. Mais nous pouvons agir maintenant auprès des hommes de tous âges. En refusant d’être des témoins silencieux. Car ces hommes qui abusent de leur pouvoir ont des collègues, des amis, des frères qui les voient aller.

Nous pouvons certainement réduire l’ampleur et la gravité du phénomène en faisant en sorte que la prétendue solidarité masculine signifie autre chose qu’un silence gêné, ou complice. Comment ? En rappelant à l’ordre nos semblables qui n’arrivent pas à se contrôler ou qui se croient tout permis. « Se mêler de nos affaires » ne doit pas signifier détourner le regard, mais au contraire réagir.

Une véritable solidarité humaine exige de faire le ménage dans la « maison des hommes », comme disent les anthropologues. Nous avons des choses à nous dire, et à faire, entre nous. Il est plus que temps.

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