Un tour du monde à 15 ans
Vient un âge où l’on ne peut plus se contenter de ne voyager que par les livres, films et documentaires. Le jour même de l’ouverture de l’Expo 67, toutes les élèves de mon école secondaire, yeux écarquillés et coeur battant, étaient réunies dans la grande salle devant un écran télé, voilà que Montréal devenait planétaire. À 15 ans, passeport jeunesse en main, acheté d’avance à la Caisse pop de mon patelin (30 $), j’allais effectuer, des semaines durant, une trentaine de fascinantes visites aux îles, tantôt avec un parent, tantôt avec une copine. Trajet en train jusqu’à la gare Windsor puis en métro. À la sortie, sur l’île Sainte-Hélène, dès le 29 avril, j’entreprenais un tour du monde sans frontières.
À chaque retour Montréal-Farnham, je jure que j’avais grandi. L’avenir pour moi, enfant de la Révolution tranquille, n’était plus de petite envergure, mais sans limites. Il y avait non seulement des pays à découvrir, mais aussi des thèmes de la terre des hommes à décortiquer, jamais n’avais-je été exposée aussi dynamiquement à un tel étalage de savoirs et d’ingéniosité, une telle encyclopédie vivante.
Nous étaient aussi proposés un riche univers culturel, des spectacles gratuits à profusion, des cérémonies protocolaires et prestations folkloriques à la place des Nations, où les touristes de partout se donnaient rendez-vous. Et en marge, le Festival des arts à la Place des Arts où j’ai pu assister, en matinée seulement, à quelques spectacles et oser demander un autographe à l’illustre danseur Rudolf Nureyev.
Tant d’occasions s’offriraient à moi de m’improviser à la fois hôte et ambassadrice, notamment durant des dizaines de balades en minirail, le jaune et le bleu, lequel traversait le pavillon des États-Unis, grâce aux files d’attente, oui, comme au cours de cette attente qu’on nous annonçait enfin plus raisonnable, au pavillon de la Tchécoslovaquie, jusqu’à ce que Robert Kennedy et sa famille se pointent. Ces rencontres impromptues m’ont incitée à correspondre par la suite avec des jeunes à l’étranger, à participer à des échanges interprovinciaux d’étudiants et à choisir plus tard de m’orienter en traduction.
De tout ce foisonnement, perdurent non seulement une insatiable curiosité, mais un lien précieux que j’ai commencé à tisser au fil d’un après-midi d’été à l’agora, près du pavillon de l’Iran, avec l’Orchestre symphonique de Montréal, auquel, 50 ans plus tard, je demeure fidèlement abonnée. Grâce à des visionnaires comme Jean Drapeau et Pierre Dupuy, pour ne nommer qu’eux, la perception de notre monde et du potentiel de Montréal a complètement et résolument changé dès 1967.