Lettre - Divertir, un mot sale?

Dans une revue - Spirale -, une bizarre mouche pique un auteur qui proclame que le danger qui guette le théâtre - présenté par les Lorraine Pintal (TNM), Michel Dumont (Duceppe), Denise Filiatrault (Rideau Vert) et Éric Jean (Quat’Sous) -, c’est le divertissement !

 

Il y aurait là une « crétinisation » du noble « art des planches » ! Pauvre Molière, va ! Oser divertir ? M. Gilbert David va jusqu’à l’amalgame hirsute : « La Poune » et Claude Gauvreau, et proclame que le pire coupable, c’est « La télévision ». Scie inévitable. « La télé rapetisse les esprits avec sa camelote et ses sous-produits américains ». Quoi, avant la télé, les foules se précipitaient à nos nombreux théâtres, n’est-ce pas ? M. David veut réfléchir sur la crise qui sévit et il parle au début avec bon sens, « de trop de troupes », de l’État qui ne peut pas aider tant de monde, pas assez de budget, quoi. Aussi de trop d’écoles de théâtre, donc de trop de diplômés. L’intellectuel fait face avec le principe de réalité et on le suit. Mais ensuite… il dit : « Les chroniqueurs culturels de Radio-Canada sont tous des pâmés d’Échos Vedettes ». Oh !

 

David refuse une « modernité populaire ». Quoi, la modernité pour être solide doit-elle être non populaire, désertée, méprisée, absconse ? Et il méprise davantage : « Du moment qu’il y a du public, les Maka Kotto crachent ». Hein ? Pas de public, c’est mieux ? Allons : le « divertissement » est une qualité inhérente au monde du théâtre, même un drame (classique ou moderne) peut divertir l’ouvrier que décrivait Paul Claudel, « Assis, les deux mains sur ses genoux ». Nos humoristes n’ont pas besoin de subventions, ni les théâtres d’été à boulevards, vrai. Mais à la fin de sa diatribe antidivertissement, David juge : « Trop d’auteurs se disent engagés et n’offrent que du réalisme à idéologies bêtes, à faits sociaux. » Le« donneur de leçons » termine et recommande : « Fouiller le matériau langagier ».

 

Aïe, quelle recette !


Claude Jasmin - Le 8 août 2013

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