Lettre - Nationalisons nos chemins de fer!

Même dans nos sociétés ultralibérales, il ne viendrait à l’idée de personne de privatiser le réseau routier. C’est pourtant ce que nous avons fait avec nos chemins de fer, qui font partie de nos infrastructures collectives et que nous avons payés plus d’une fois, à même les fonds publics, depuis leur construction au XIXe siècle.

 

Au fil des ans, nos deux grandes compagnies ferroviaires, le CN et le CP, se sont délestées du service voyageurs, trop peu rentable ; elles ont ensuite abandonné et démantelé des lignes souvent vitales pour les populations, mais qui ne rapportaient pas assez. Enfin, elles se sont dessaisies de lignes secondaires au profit de petits exploitants ayant moins de frais généraux, une main-d’oeuvre non syndiquée et une culture d’entreprise moins rigoureuse, avec les résultats que l’on sait. Aujourd’hui, le CN et le CP font des profits faramineux et le bonheur de leurs actionnaires. Tout cela s’est fait au nom des impératifs économiques, avec la bénédiction de l’État fédéral, qui a allégé les règles de sécurité les plus élémentaires au nom de l’autodiscipline du secteur. Or l’impératif premier de l’entreprise privée, c’est le profit. Au mieux, elle gérera le risque… avec une bonne police d’assurance.

 

En Europe continentale, la logique marchande n’a pas prévalu. Le train est considéré comme un service public et les chemins de fer appartiennent encore à l’État. En Allemagne, en France et en Suisse, notamment, on a compris que le transport ferroviaire est une chose trop importante pour être abandonnée à l’entreprise privée. En conséquence, les infrastructures sont impeccables, le public voyageur est bien servi, les trains de marchandises roulent efficacement et la sécurité du public prime le profit. Les lignes sont en bonne partie électrifiées depuis longtemps, alors que l’électricité coûte plus cher qu’ici. Et devinez qui leur vend des locomotives et les voitures de passagers ? Bombardier, bien sûr !

 

On peut se prendre à rêver. Si le Québec nationalisait ses CFIL (dont l’intérêt est bien plus que local), dont le chemin de fer Québec-Gatineau - l’ancien Québec, Montréal, Ottawa et Occidental - et le sinistre Montreal Maine and Atlantic - chaînon qui a permis au CP d’atteindre l’Atlantique et de devenir un chemin de fer transcontinental -, on pourrait remettre à niveau les infrastructures, électrifier les lignes, fidéliser les clients du rail, sécuriser les trains de marchandises et surtout rétablir le transport voyageurs entre Montréal, Trois-Rivières et Québec, entre Montréal et Gatineau, et entre Montréal, Saint-Jean, Bromont, Magog et Sherbrooke, avec les autorails de Bombardier qui font un tabac en Europe. Ces liaisons seraient bien plus utiles et achalandées que le train Montréal-New-York, que bien des politiciens (qui ne l’ont jamais pris) ont rêvé de transformer en TGV.

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