Lettres - Scepticisme !

Les propositions recueillies par M. Bernard Drainville sont, disons-le, séduisantes. Qui peut, en démocratie, s'insurger contre le fait de donner plus de pouvoir aux citoyens? On nous soumet donc différentes occasions qui rendraient possible un tel transfert de pouvoir à la société civile, dont des référendums d'initiative populaire, des jurys citoyens ayant pouvoir d'évaluer le travail des parlementaires et même de révoquer le mandat de certains élus.

Je ne doute pas de la bonne foi et de la sincérité de ceux et celles qui ont fait ces propositions. Toutefois, je m'interroge. Se souvient-on que les Québécois ont manifesté deux fois plutôt qu'une ces dernières années leur fatigue devant l'obligation d'aller simplement voter? Lors des élections québécoises de décembre 2008, 57,33 % des citoyens et citoyennes se sont déplacés pour aller aux urnes, le plus faible taux enregistré depuis 70 ans. De même, nos concitoyens ont exprimé la même lassitude devant la perspective de renégocier un pacte constitutionnel avec le Canada.

Ces faits mettent du plomb dans l'aile des projets citoyens qui sont maintenant sur la sellette. Je ne veux pas voir mourir ces projets avant qu'ils soient nés, mais montrons-nous lucides. Quand une société se rebute devant un devoir aussi minimal qu'aller voter, on ne peut que douter de sa volonté citoyenne. De plus, cette volonté populaire devrait faire la preuve qu'elle peut se montrer responsable.

L'une des conditions pour exercer cette responsabilité est de se renseigner et de diversifier ses sources d'information. Dans un pays comme le nôtre, où l'on a laissé s'opérer une concentration massive des médias [...], il faut bien reconnaître que la table est loin d'être mise pour qu'une telle démocratie citoyenne puisse s'exercer pleinement et sainement. C'est très dommage cependant et il ne faudrait surtout pas s'en réjouir. Cela devrait plutôt nous stimuler à améliorer l'efficacité de nos institutions actuelles et à nous montrer au moins tentés d'en tirer le meilleur de ce qu'elles peuvent offrir.

C'est triste à dire, mais nous sommes en partie responsables de l'actuel déficit démocratique. Il faudrait en prendre acte, mais ne pas baisser les bras pour autant.

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Danielle Beaulieu - Montréal, le 26 août 2011

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