Lettre - Une femme extraordinaire
J'ai eu le plaisir et l'honneur de travailler avec Marie-Andrée Bertrand au cours des dernières années. Elle était une intellectuelle imbattable dans la discussion, une bonne vivante toujours prête à aider les autres, une féministe engagée dans la cause des femmes de façon continue depuis des décennies.
Marie-Andrée était férue d'épistémologie. Lorsqu'on discutait avec elle, elle demandait souvent: «D'où parlez-vous?», afin de savoir à quelles sources se nourrissaient notre pensée et nos opinions. Avec elle, il fallait discuter de façon logique et cohérente.Quand elle me téléphonait ou que nous prenions un repas ensemble, elle avait toujours des objets de discussion et des projets d'écriture au sujet desquels elle allait chercher l'opinion des autres.
Tout ce qui lui semblait injuste la faisait frémir et chercher comment corriger la situation. Que ce soit sur le port du voile, la femme et la religion, la laïcité, elle cherchait continuellement à comprendre les enjeux et à se former une opinion bien documentée.
C'était une grande intellectuelle qui a sûrement laissé une trace indélébile dans l'esprit de plusieurs générations d'étudiants.
La dernière question que nous avons discutée était: «Est-ce que le féminisme a fait des femmes de meilleurs hommes (sens générique)?» Je n'aimais pas beaucoup cette formulation par laquelle elle voulait se demander si le féminisme avait amélioré l'humanité. Je lui ai suggéré: «Est-ce que le féminisme a fait des hommes de meilleures femmes?» (dans le sens de meilleure présence auprès des enfants, de comportements plus compréhensifs au travail, etc.).
Nous n'aurons jamais terminé cette discussion. Salut Marie-Andrée.
***
Michèle Stanton-Jean - Chercheuse invitée, Centre de recherche en droit public, Université de Montréal - Montréal, le 8 mars 2011