Lettres - Pour qui nous prend-on?
Obama et Harper s'entendent pour assurer la sécurité de l'Amérique du Nord. Dormez en paix, la souveraineté du Canada sera respectée... Mais qu'en est-il de celle des citoyens?
Dans les années 70, Jean-Pierre Goyer, solliciteur général du Canada, signe une entente avec les États-Unis. Puisque les polices ne pouvaient écouter les communications sans mandat d'un juge, les Canadiens pourraient, par cette entente et à la demande des Américains, mettre des citoyens américains sous surveillance sans aucun contrôle et les Américains feraient de même pour les Canadiens. Ainsi, les lois de protection de la vie privée étaient respectées, mais la vie privée était systématiquement violée. En effet, les lois canadiennes s'appliquent au Canada, mais ne contraignent pas les autorités des États-Unis et vice versa. Cela a été confirmé par la Cour suprême dans l'affaire Hape (2007 CSC 26); la Charte ne s'applique pas à d'autres que les agents des gouvernements canadiens au Canada et non à l'étranger (sauf si les droits fondamentaux sont en cause: Khadr).On n'apprendra l'existence de cette entente que lors d'un procès en cartel aux États-Unis où les compagnies aériennes Braniff et American furent confrontées à des écoutes téléphoniques établissant leur accord sur l'élévation des prix, écoutes faites par les Canadiens sans mandat d'un juge américain. C'est ainsi que fut découvert le pot aux roses et que fut provoquée la faillite de Braniff. Ces échanges de bons procédés s'étendraient maintenant à tous les moyens de communication transfrontaliers ou satellitaires, y compris Internet. Mais cela ne suffisait plus.
L'entente recherchée porte sur la transmission systématique et a priori de données personnelles et privées qui ne transitent pas nécessairement par les réseaux de télécommunication. Selon Harper, la souveraineté canadienne est sauve puisque le gouvernement a donné son accord souverain, alors que les Européens tentent, eux, péniblement, de résister aux exigences de Washington.
Déjà en 2006, la Commission du droit international de l'ONU s'en était inquiétée (A/61/10), et l'Association des universités et collèges du Canada signalait le danger de ces échanges de données pour les libertés universitaires. (Travaux du Conseil du Trésor: http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/gospubs/TBM_128/pm-prp/pm-prp_f.asp).
Mais le gouvernement Harper persiste et dépose en septembre 2009 (Bill C-46) et de nouveau en novembre 2010 la Loi sur les pouvoirs d'enquête au XXIe siècle, qui prévoit la saisie des données de transmission en temps réel (avec mandat) ou en différé (sans mandat) auprès du fournisseur d'accès sans que la personne visée en soit avisée.
Ce projet prévoit aussi le mandat de localisation des personnes (par cellulaire ou autre), des objets, y compris des véhicules (géolocalisation). Ce sont les fruits de ces intrusions que le gouvernement Harper offre en toute souveraineté au président Obama.