Lettres - Garder nos oreilles à leur place

Ce qui m'a fait réellement peur après la lecture du spécial Halloween de Pauline Gravel, «Robots sapiens» (voir Le Devoir des samedi 30 et dimanche 31 octobre), ce ne sont ni les figures grotesques, ni l'oreille greffée sur le corps, ni les nouvelles technologies, ni l'art idiot. On en a vu d'autres. Ce qui m'inquiète est plutôt l'idée bête et conformiste que l'on se fait du progrès.

Je ne crois pas à cette dénaturation du corps humain et son retrait des impératifs naturels. Je ne crois pas à ce futur aux corps robotisés pour contrer l'angoisse de la mort et étirer l'existence d'une minorité ayant le luxe de réaliser ses fantasmes narcissiques. S'il y a, un jour, une équité économique mondiale, personne n'aura les moyens de payer les médecins et les chercheurs pour des opérations copiées sur la science-fiction hollywoodienne. C'est du futurisme de pacotille pour ébahir les esprits faibles.

Et si le progrès était de garder nos oreilles et nos yeux à leur place, de s'en servir mieux et faire ainsi honneur à ces milliards d'années d'évolution de la matière pour arriver à ce fabuleux corps humain? Si, au lieu de brouiller nos perceptions avec ce bavardage électronique que nous nommons, souvent à tort, informations, nous utilisions nos sens avec sensibilité et curiosité pour saisir un réel à (re)découvrir?

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Marc Boucher - Le 1er novembre 2010

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