Un poète discret

Le poète Luc Perrier, décédé le 11 mai dernier, était une figure discrète de la poésie québécoise contemporaine.

Son honneur le plus notoire avait été de marquer, avec son premier recueil intitulé Des jours et des jours (1954), aux côtés des Cloîtres de l'été de Jean-Guy Pilon, le coup d'envoi de l'importante collection «Les matinaux» des Éditions de l'Hexagone. L'équipe de fondation, qui comptait notamment Gilles Carle, Olivier Marchand et Gaston Miron, soulignait alors dans son prospectus non seulement l'humilité de ce jeune poète mais aussi «la sereine acceptation des choses», l'accueil de la vie qui caractérisait ses poèmes. Ce n'était ni mièvrerie ni consentement au pire: cette «parole de vie» avait de la dignité, une rigueur, des inquiétudes aussi. Était-ce par trop grand souci du monde et des injustices qui y règnent qu'après un deuxième recueil, paru en 1963, Luc Perrier cessa ensuite de faire entendre sa voix poétique pendant une trentaine d'années? Quand il refit surface, en 1994, aux Éditions du Noroît, ce fut comme une seconde vie. Dès lors, il donna régulièrement, tous les trois ou quatre ans, des recueils d'une grande pureté dans lesquels son bonheur d'être et son humour ne cessaient de laisser poindre une sourde colère contre les profiteurs de ce monde et autres trafiquants d'armes et de laideur. Mais sa sérénité et sa ténacité l'emportaient: «Laissez-moi cette lumière / sur ma table d'écriture», demandait-il dans De toute manière, un de ses meilleurs livres, paru en 2002. On voyait souvent cet homme affable et souriant assister à des lectures publiques; il écoutait volontiers, avec générosité, les autres poètes, quel que fût leur âge. C'était un revenant du silence: il avait retrouvé le fil de lui-même, la nécessité du langage le plus limpide contre les opacités et les marécages de notre monde. Sa modestie, peut-être, était une ruse, une manière de paraître se contenter de peu pour exiger beaucoup: l'humanité vraie, le bonheur sans compromission. J'aime croire qu'il fut un poète heureux.

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