Lettres: Une minute de silence
Un peu partout dans le monde on a observé une ou deux minutes de silence en hommage aux victimes des attentats de Londres. Voilà qui va de soi, vu l'ampleur du drame. Cinquante-trois morts, un lourd bilan. Et voilà qu'à peu près en même temps on souligne les dix ans du génocide au Rwanda. Mais je me demande: où sont les minutes de silence en hommage aux 1,8 million de victimes du génocide, dont on connaissait le sort sans toutefois intervenir — pour ne pas dire que certains pays occidentaux sont accusés aujourd'hui non seulement de n'avoir rien fait pour stopper la catastrophe, mais, pire encore, ils l'auraient encouragé: est-ce cela le terrorisme d'État?
Pour 6000 Américains morts le 11 septembre on a observé une minute de silence partout sur la planète. Ce qui fait dire à la journaliste belge Marie-France Cros que, toutes proportions gardées, on devrait observer 15 heures de silence en respect pour les victimes au Rwanda. Et où est la minute de silence en respect aux victimes de l'apartheid d'avant Mandela en Afrique du Sud; aux 50 000 morts de la guerre civile au Sierra Leone; au million de morts au Mozambique pendant la guerre d'indépendance?J'ai comme l'impression que les 53 victimes londoniennes sont plus importantes que ces millions de victimes africaines. Pourquoi? La nature du drame est pourtant similaire: dans les deux cas les crimes ont été organisés et entretenus par des groupes extrémistes. Mais comment naissent ces groupes extrémistes? Ceux qui ont organisé l'apartheid en Afrique du Sud on également financé la guerre chez leurs voisins du Mozambique pour décourager le peuple qui se battait pour l'indépendance. Il paraît aussi que certains de nos gouvernements ou encore certaines de nos multinationales occidentales ont encouragé des dictatures dans ces pays afin de garder la mainmise sur les richesses de ces sols africains. Alors quand Chirac dit que l'Afrique n'est pas prête pour la démocratie, ne serait-ce pas plutôt que nous l'empêchons d'être prête pour la démocratie en finançant des gouvernements corrompus jusqu'aux os qui retirent de nombreux avantages financiers à entretenir la discorde chez les leurs? Il ne faudrait pas oublier que l'Afrique fut à peu près toute colonisée par nos pays «riches». Rien n'est noir ou blanc, mais avouons que nous avons su tirer profit de cette mère terre afin de nous enrichir. Seul problème: on sème là-bas un désordre incontrôlable.
En attendant, je crois que beaucoup de pays du Tiers-Monde trouvent notre silence long, très long.