Lettres: Place aux mots

«La poésie peut tout dire et tout peut devenir poésie», résume Sébastien Barangé de la pensée de René Depestre. Qui lui-même conclut sans ambages: «Le manque de tendresse, c'est de cela que l'humanité risque de périr.» Cela dit à la vue de l'approche de la grande faucheuse. Personnelle. Collective. «Sans la mort, il n'y aurait pas la tendresse», lisait-on dans une entrevue au Devoir, il y a quelques décennies. Le prochain siècle sera tendre ou ne sera point. Rapprochement oblige.

La poésie pourrait devoir succéder à l'humour (souvent «assassin») comme voie de rencontre possible entre peuples, groupes ou personnes. Et aux «Écritures», si vénérées dans l'Antiquité, pourrait correspondre aujourd'hui la lecture. En effet, dit l'ex-directrice du Devoir, Lise Bissonnette, en entrevue à L'Itinéraire de juillet: «La lecture peut sauver des vies, car elle permet de prendre conscience que la vie ne s'arrête pas à la frontière de soi. [...] plus de gens dans les bibliothèques, [...] moins dans les hôpitaux.» Tout pareillement, Depestre voit la poésie engendrer la santé et le sentiment poétique, l'hygiène vitale.

Les mots sont thérapeutiques. Agents de liaison. Et de «déliaison». Il suffit qu'ils soient porteurs d'esthétique. Transcendante. Universelle. Accessible. En tout (temps)? Pour tous? Pas nécessairement. Dans le téléroman Blanche, on pouvait entendre l'amie de celle-ci s'exclamer que la poésie, c'est plus beau lorsqu'on ne comprend pas. Or, n'est-ce pas «la beauté qui sauvera le monde»?

Place aux mots. Contre les maux. Contre la mort. Place à leur musique adoucissant les heurts. Déposant, un à un, les malheurs. Conjurant la peur ou la terreur. Afin qu'on ne puisse dire de la Terre qu'elle aura été une erreur ou une horreur.

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