Lettres: Le chat et la souris
La récente série d'articles parus dans Le Devoir suscite chez moi la réaction suivante. Ancien ambassadeur et diplomate, ayant oeuvré comme juriste et avocat pendant de longues années au bureau des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, je trouve consternant qu'on continue à se chicaner entre Ottawa et Québec sur la question de la signature, par le Québec, d'ententes avec un État étranger dans les domaines qui relèvent de sa compétence constitutionnelle.
La situation est très claire: en droit international, une entente signée par le gouvernement du Québec avec un État étranger (qu'on l'appelle traité, convention, pacte ou entente importe peu) n'a pas de valeur juridique en ce sens strict que tout différend qui naîtrait de la mise en oeuvre ou de l'interprétation du texte ne saurait être porté devant une instance internationale pour adjudication. La Cour internationale de justice ne pourrait donc pas être saisie de l'affaire car le Québec n'est pas un État en droit international, et seuls les États peuvent se présenter devant la cour. Simple, n'est-ce-pas? Cette situation explique pourquoi le gouvernement fédéral, responsable des affaires internationales pour le Canada, est appelé quelque fois ou suscite le plus souvent une entente distincte avec le gouvernement étranger, en l'occurrence le Vietnam, de sorte que son entente avec le Québec ait pleine valeur juridique en droit international. [...]Que le Québec puisse signer ou pas des ententes avec un État étranger dans ses sphères de compétence constitutionnelle (doctrine Gérin-Lajoie) n'a donc rien à voir avec cette situation de fait en droit international. Autrement dit, le sujet de l'entente importe peu.
Pourquoi alors toutes ces chinoiseries? Parce que des fonctionnaires de mon ancien ministère insistent sans raison pour que les termes du texte convenu par le Québec et l'État étranger ne soient pas ceux normalement utilisés dans un traité ou une convention entre États. [...] Qu'on se réfère aux «hautes parties contractantes» ne modifie pas non plus la situation juridique d'une partie qui n'est pas un État. Et, pour leur part, les fonctionnaires du Québec prennent un malin plaisir à utiliser les termes et les expressions normalement réservés aux traités ou aux conventions. Et le chat, ainsi, joue avec la souris. Cela fait 40 ans que ça dure...
En résumé, le Canada est le seul à pouvoir conclure avec un autre État une entente qui ait une valeur juridique irréprochable en droit international. Le Québec peut le faire aussi et l'a fait très souvent en matière d'éducation, de culture, de sécurité sociale, par exemple, mais, sans un texte parallèle d'Ottawa avec le gouvernement étranger, l'entente conclue par le Québec et ce gouvernement n'en est pas une au sens du droit international. Que les termes employés dans le texte liant le Québec et l'État étranger soient ceux normalement utilisés dans des traités ou des conventions et que le gouvernement fédéral s'y oppose pour cette seule raison relèvent d'un chipotage juridique de bas aloi qui ne devrait pas avoir place entre gouvernements et acteurs responsables.