Un éditorial mal documenté?

Dans son édition du 8 juillet 2005, Le Devoir présentait le texte de Jean-Robert Sansfaçon dépeignant les attentats de Londres en extrapolant et en se basant sur des rumeurs pour ensuite en tirer des conclusions précoces. L'auteur semble ignorer certains faits. Son argumentation en souffre et peut mener le lecteur à une compréhension erronée de l'événement. Son article soulève donc plusieurs réflexions et interrogations.

Avant toute chose, il importe de rectifier la datation des attentats de Madrid. Ceux-ci ont eu lieu le 11 mars 2004. Un calcul rapide nous révèle que cela fait 16 mois et non pas 19, comme le soutien M. Sansfaçon. La première ligne du texte nous démontre que l'auteur présente une argumentation pauvre ou à tout le moins mal documentée.

Ensuite, même s'il est fort probable que la responsabilité des attentats est attribuable à un groupe de terroristes islamistes, il est à notre avis encore trop tôt pour établir avec certitude de telles conclusions. Or l'auteur semble convaincu que les responsables des attentats sont des islamistes. Au-delà du fait que M. Sansfaçon présente des opinions, il faudrait à tout le moins que celles-ci soient fondées sur des faits corroborés.

De plus, comment peut-on statuer sur le nombre de mois nécessaires à la planification de ce coup? L'argumentation présentée par le journaliste annonce que cet attentat est le résultat d'une planification complexe, ardue et de longue haleine. Selon nous, une telle opération aurait pu tout aussi bien être planifiée en moins d'une semaine. Après tout, il ne s'agit que de choisir quelques endroits vulnérables et d'y déposer les explosifs, voire d'y envoyer des terroristes kamikazes.

Il ne faudrait pas non plus supposer, comme le fait l'auteur du texte, que les individus ayant commis ces actes habitaient ces villes depuis longtemps. En tous les cas, il est encore une fois prématuré de statuer sur cela au moins dans le cas de Londres. Il semble évident qu'un bon moyen d'attaquer les civils est de s'en prendre aux transports en commun et de le faire par surcroît à l'heure de pointe. Nul besoin de connaître une ville dans ses moindres détails pour l'attaquer de la sorte.

De plus, ce n'est pas parce qu'un groupe revendique un acte qu'il en est le véritable responsable. Des fausses déclarations sont toujours possibles. Pour ne donner qu'un exemple, un groupe terroriste islamique britannique avait revendiqué la responsabilité du black-out survenu en 2003 aux États-Unis et en Ontario. On sait aujourd'hui que cet événement n'était pas un attentat terroriste. Bref, il faudrait faire attention aux affirmations précoces. Surtout que, dans le cas présent, la police britannique se serait «refusée à lancer des conjectures sur l'identité des auteurs» (Guillaume Bourgault-Côté, Le Devoir). Si la police ne se permet pas de s'avancer sur la question, alors nous trouvons hasardeux pour l'auteur d'avancer de tels propos.

En définitive, M. Sansfaçon nous livre ici une interprétation des attentats de Londres qui aurait pu être intéressante si elle avait été appuyée sur des faits plutôt que sur des suppositions. Sans affirmer que ce texte contient des éléments qui sont faux, nous croyons toutefois qu'il est on ne peut plus conjectural et qu'il se base sur peu de faits vérifiés et vérifiables dans l'état actuel des choses.

***

Réponse de l'éditorialiste

Tout d'abord, il faut préciser que cette lettre de l'Équipe de recherche nous est parvenue le jour même de la parution de l'éditorial, ce qui pourrait expliquer le scepticisme de ses auteurs. En ce qui concerne le nombre de mois qui nous séparent de l'attentat de Madrid (16 et non 19), ils ont raison. Le plus curieux, c'est que j'avais l'exemplaire du Devoir du 12 mars 2004 devant moi. Recalé à l'examen de calcul mental! En revanche, pour le reste, les faits rendus publics depuis l'attentat de Londres semblent me donner raison: ces terroristes étaient bien des islamistes radicaux, citoyens de Sa Majesté d'origine étrangère habitant l'Angleterre depuis un certain temps, voire nés dans ce pays. Ils connaissaient bien la région et le coup avait certainement été planifié depuis longtemps. L'interprétation des faits présentée dans cet éditorial n'était donc pas aussi farfalue que nos amis ont voulu le croire.

Jean-Robert Sansfaçon

À voir en vidéo