Lettres: Abus !
Du 5 au 10 juillet a eu lieu à l'Université d'Ottawa le quatrième Congrès international des recherches féministes dans la francophonie plurielle. La pertinence d'un tel congrès qui permet aux femmes de tous les continents de se réunir pour faire connaître leurs revendications n'est pas à remettre en cause. Ce qui est cependant discutable, c'est l'abus que l'on fait du mot «femmes» dans les appellations utilisées soit verbalement, soit par écrit (notamment dans le programme). On parle ainsi des droits des femmes indiennes, de l'association des femmes africaines, de la reconnaissance des femmes migrantes, des femmes marocaines, des femmes judiciarisées, des femmes réfugiées; une responsable s'identifie comme une femme gauchère; on fait appel à des femmes chercheuses en ne tenant pas compte du fait que l'adjectif qui accompagne le nom «femmes» est déjà caractérisé en genre. Cette surcharge lexicale tient à la fois du pléonasme grammatical (deux marques de genre) et de l'anglicisme (calque de l'anglais où l'adjectif, par exemple Indian, n'est pas caractérisé en genre et requiert d'être précisé: Indian women). Pour contrer cet abus, le français utilise tout simplement le nom correspondant à l'adjectif: par exemple le droit des Indiennes, l'association des Africaines, être gauchère, faire appel à des chercheuses. Comme cette surcharge n'ajoute rien à la cause des femmes et nuit à l'intégrité du français, il y a lieu de l'éviter.
Il faut ajouter à ces abus lexicaux cette «dérive» syntaxique qui consiste à utiliser le mot «femme» accolé à un nom masculin: une femme entrepreneur, une femme sculpteur. Il faudrait sans doute faire connaître aux Européennes qui ont utilisé ces vocables dans leurs communications que les termes «entrepreneuse» et «sculptrice» sont des formations grammaticales tout à fait régulières, qu'elles se retrouvent dans les dictionnaires de langue et qu'elles traduisent bien la réalité qu'elles veulent exprimer. Oserait-on parler d'un «homme ballerine» ou d'un «homme hôtesse de l'air»? Alors...