Pour une positivité responsable et bienveillante

Cet été, Le Devoir vous entraîne sur les chemins de traverse de la vie universitaire. Une proposition à la fois savante et intime, à cueillir comme une carte postale. Aujourd’hui, on s’invite dans le quotidien d’un candidat au doctorat en psychologie qui raconte comment rebondir dans l’adversité pour pouvoir poursuivre des études universitaires.
La pensée positive a bien mauvaise presse. Pourtant, elle offre de nombreux bénéfices démontrés par la science. Les personnes optimistes vivent plus longtemps et en meilleure santé que les pessimistes et sont 35 % moins susceptibles de mourir de maladies cardiovasculaires. Elles ont tendance à avoir de plus hauts salaires et plus de succès professionnel. Comme quoi être positif est bon tant pour le coeur et la tête que pour la carrière et le portefeuille. Mais pour les éternels pessimistes, c’est quelque chose de difficile à avaler.
Rebondir dans l’adversité
Je le sais, car j’ai eu une longue relation avec le pessimisme. Lorsque j’étais au secondaire, on m’a diagnostiqué une leucémie, soit le cancer du sang. Cela a été une épreuve extrêmement difficile, avec tous les effets secondaires connus de la chimiothérapie. Néanmoins, j’avais la croyance qu’une fois mes traitements terminés, je pourrais enfin avoir une vie normale et heureuse. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu. Je ne suis pas soudainement devenu heureux.
Si tout semblait bien aller en surface, dans ma tête, je ne voyais que du noir, et cela se reflétait dans mes notes, à tel point que je pensais abandonner l’école. En réalité, j’étais en sérieuse détresse et je pensais même à quitter ce monde pour de bon. À quoi bon vivre si la vie n’est que souffrance, qu’elle n’a pas de sens ? Pourquoi continuer à se battre si l’on n’a même pas l’espoir que les choses vont finir par mieux aller ?
À un moment critique de mon parcours, je suis tombé sur un livre qui suggérait bêtement de changer ses pensées négatives pour des pensées positives pour changer sa vie. Bien que sceptique, je me disais que je ne pouvais quitter ce monde sans tenter un essai véritable de cette méthode. J’ai donc commencé à remplacer chaque pensée négative par une pensée positive ou constructive équivalente. Par exemple, à « ça ne sert à rien d’essayer / je suis un échec / je n’en ai pas la capacité », j’aurais pu faire suivre « en réalité, ça vaut la peine d’essayer / je peux y arriver / je vais m’encourager et trouver des ressources en moi / dans mon environnement / mon réseau social pour y arriver ».
À force de pratiquer cet exercice, le délai entre chaque pensée négative et positive s’est progressivement raccourci, jusqu’à presque disparaître : c’était devenu une nouvelle habitude mentale. Outre la maîtrise grandissante de mon propre esprit, cette évolution consciente dans mon discours intérieur m’a également appris à donner un sens à mes expériences, même — ou surtout — lorsque les choses ne se passaient pas comme je l’aurais souhaité. Par exemple, en en tirant des leçons ou en développant un sentiment de gratitude en comprenant que d’autres belles choses n’auraient pas été possibles autrement.
Plutôt que de me placer en résistance face à la vie et aux événements, j’apprenais tranquillement à me positionner en harmonie et en acceptation avec ceux-ci, et ainsi à m’adapter de manière fluide. Par conséquent, plus j’avançais dans ce processus, plus je comprenais que ma perception des événements avait un impact disproportionné sur mes émotions, mon bien-être et ma capacité à répondre de manière flexible à l’adversité.
En six mois de cet exercice de restructuration cognitive, je suis sorti de ma dépression et revenu à un état psychologique neutre. Cependant, cela ne s’est pas arrêté là : mon bien-être psychologique a continué d’augmenter jusqu’à ce que je puisse me dire véritablement heureux — pour la première fois de ma vie. Le reste a suivi naturellement. J’ai commencé à expérimenter du succès à la fois socialement et à l’école. La vie avait finalement un sens. À la fin d’année, j’ai été nommé la personne la plus souriante de ma cohorte.
Pourquoi la pensée positive « fonctionne » ?
À la suite de cette profonde expérience de transformation — que certains appellent croissance post-traumatique —, je suis resté fasciné par la capacité humaine à rebondir dans l’adversité pour en ressortir grandi. C’est ce qui m’a poussé vers l’université : ma soif de comprendre l’esprit humain et notre capacité à nous transformer nous-mêmes pour apprendre à mieux vivre, tant avec nous-même qu’avec les autres.
Comment donc expliquer une telle transformation ? Selon la théorie « élargir et construire » de Barbara Fredrickson, les émotions positives développent des ressources psychologiques en élargissant nos répertoires de pensée et d’action, par exemple en nous mettant dans un état d’exploration de possibilités. À la longue, ces ressources psychologiques, sociales ou même physiques s’accumulent, et elles nous rendent plus heureux et résilients face aux défis futurs.
D’une perspective de psychologie sociale, les pensées positives peuvent augmenter notre sentiment d’auto-efficacité et de contrôle, renforcer notre motivation en clarifiant le but désiré ou bien influer sur nos comportements de sorte à confirmer nos croyances, par le biais du phénomène de prophétie autoréalisatrice.
Pas une panacée
Attention, la pensée positive n’est pas magique et ne réglera pas tous nos problèmes. En effet, les études indiquent une réalité un peu plus complexe à laquelle il n’est pas possible de rendre justice dans un texte si court. Il est par exemple suggéré de « s’attendre au mieux, mais de se préparer au pire », en générant un contraste mental de l’avenir désiré et de la réalité actuelle, une sorte d’optimisme réaliste dans laquelle on prévoit des plans de contingence pour les obstacles possibles.
Pour éviter de se culpabiliser lorsque cela ne fonctionne pas, l’auto-compassion peut aider. Dans nos rapports sociaux, il faut également éviter la positivité toxique, caractérisée par une invalidation émotionnelle et une absence de souci et d’écoute de l’autre, par exemple lorsqu’on exhorte quelqu’un à être positif. La positivité, on ne peut ni l’exiger ni l’imposer aux autres.
Comme l’influente théorie de l’autodétermination nous l’enseigne, « on ne peut pas tirer sur une fleur pour la faire pousser plus vite ». Néanmoins, on peut lui donner des circonstances favorables : de l’eau, du soleil et du terreau. Vous pourrez ainsi avoir une influence positive autour de vous en démontrant une positivité responsable et bienveillante, empreinte d’empathie et de considération.
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