Oui, Mme Plante, les campements peuvent être une solution

« Les démantèlements forcés de campements sont une pratique qui maintient votre administration dans le statu quo et qui traite les personnes avec violence », écrit l’autrice.
Paul Chiasson La Presse canadienne « Les démantèlements forcés de campements sont une pratique qui maintient votre administration dans le statu quo et qui traite les personnes avec violence », écrit l’autrice.

Madame la Mairesse de Montréal,

Vous le constatez comme moi, les démantèlements forcés de campements sont nombreux depuis quelques années. Selon vous, ces campements ne sont pas une solution sécuritaire ni une solution digne pour les personnes qui les habitent. Mais qu’avez-vous comme option de rechange à leur proposer ?

Il faut cesser de croire que les hébergements répondent à l’entièreté des besoins des personnes en situation d’itinérance et qu’ils peuvent constituer leur seule option une fois les camps démantelés. Comme vous le savez bien, ces ressources génèrent des mesures d’exclusion qui peuvent contraindre certaines personnes à ne pas y avoir recours, et ce, même si elles le souhaiteraient.

Dans les faits, ces personnes se retrouvent sans issue pour vivre. D’un côté, elles n’ont pas accès à un logement, ni à un hébergement adapté à leur réalité. De l’autre, elles doivent composer avec votre approche de tolérance zéro en se faisant pourchasser et tasser de l’espace public au rythme du démantèlement continuel de leurs abris.

En optant pour une vision répressive à l’égard des personnes qui habitent la rue, non seulement vous ne répondez pas aux inquiétudes de la population (car vous ne faites que déplacer ces gens ailleurs), mais vous réduisez également leur capacité à se débrouiller en les repoussant vers des lieux encore plus isolés. Sans cesse, ces personnes se retrouvent plongées dans le stress continuel de se faire démanteler leur campement et de perdre leur espace pour dormir. Ces personnes n’ont nulle part où se poser, et cela les amène à vivre dans des conditions extrêmement difficiles qui peuvent nuire à leur santé et les exposer à un plus grand risque de mortalité.

Devant les possibilités limitées qui s’offrent aux personnes qui habitent la rue, il est crucial de repenser notre réponse globale à l’itinérance afin de l’adapter à leurs besoins réels. Il ne faut ménager aucun effort pour fortifier l’offre de logements et d’hébergements en innovant et en incluant les personnes qui habitent la rue dans la mise en place d’actions ciblées.

En aucun cas ces personnes ne devraient se retrouver à vivre en campement si elles souhaitent avoir accès à un logement décent ou à une ressource d’hébergement adaptée à leurs besoins. Cependant, ce n’est pas le cas actuellement, et les campements deviennent donc une option que nous devons considérer comme une partie de la solution. Ces personnes ont besoin d’une stabilité pour se déposer, comme le reste de la population, et ce, afin de s’investir dans d’autres sphères de leur vie plutôt que d’avoir à se chercher sans cesse un abri pour la nuit.

Il est de votre responsabilité, Mme Plante, comme de celle des autres ordres de gouvernement, de déployer toutes les mesures possibles afin de faciliter l’existence de ces personnes. Cela ne passe pas par les démantèlements et l’augmentation de la surveillance policière, mais par une approche bienveillante axée sur les droits des individus.

Les démantèlements forcés de campements sont une pratique qui maintient votre administration dans le statu quo et qui traite les personnes avec violence. Cette répression est nuisible à leur santé et à leur vie, alors que nous devons, en tant que société, fournir des conditions qui contribueront à renforcer leur résilience. Ces personnes ne peuvent plus continuer à vivre dans la peur constante de perdre leurs effets personnels, leurs ressources de soutien ainsi que leurs repères en les déplaçant constamment.

Cela dit, Mme Plante, qu’est-ce qu’on attend ? Que les personnes vivent plus de détresse et qu’il y ait plus de morts ? Les démantèlements rendent la vie des personnes qui habitent les campements encore moins digne que ce que leur abri pouvait leur procurer. Si au moins on leur fournissait de meilleures conditions de vie, notamment en leur offrant un endroit où se poser et l’accès à des sanitaires et à des services (ex. eau potable, toilettes, douches et gestion des déchets). Pourquoi vouloir à tout prix garder cette position qui s’avère nuisible à la santé et à la vie des personnes qui se retrouvent à habiter la rue faute de ressources suffisantes et adaptées à leur réalité ?

Nous sommes dans une crise. Il est crucial que vous mobilisiez davantage les gouvernements ainsi que vos élus afin de prendre des décisions plus enclines à respecter les besoins et les droits des personnes qui habitent la rue. Plusieurs d’entre elles sont épuisées d’être en mouvement continuel et leur détresse augmente. La répression n’a plus sa place à l’égard des personnes qui sont sans issue et sans moyens pour se trouver un toit autre qu’un campement.

Ne craignez pas d’innover en ce qui concerne les campements, d’autres villes au Québec le font déjà. La rue n’a rien de facile, et tous méritent d’être considérés comme membres à part entière de notre collectivité. Soyez juste et inspirez-vous de notre intelligence collective. Ne laissons personne derrière.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo