Le droit à un environnement sain dans un pays qui brûle

« Pour que le droit à un environnement sain devienne une réalité, nos gouvernements doivent prendre dès maintenant des mesures ambitieuses », écrit l’autrice. En photo, une vue partielle de la ville de Rouyn-Noranda.
F-Harmant Getty Images « Pour que le droit à un environnement sain devienne une réalité, nos gouvernements doivent prendre dès maintenant des mesures ambitieuses », écrit l’autrice. En photo, une vue partielle de la ville de Rouyn-Noranda.

Ce fut un printemps historique au Canada : parallèlement à un nombre record de feux de forêt d’un bout à l’autre du pays, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) a enfin été réformée.

Le 30 mai dernier, pour la toute première fois, le droit à un environnement sain a été intégré dans la législation fédérale. Au Canada, le Québec a été la toute première juridiction à franchir cette étape il y a des décennies, en reconnaissant ce droit d’abord dans la Loi sur la qualité de l’environnement, puis dans la Charte des droits et libertés de la personne. À l’international, des centaines de pays ont adopté diverses versions de ce droit fondamental dans leur constitution.

L’année dernière, une résolution des Nations unies a reconnu le droit à un environnement sain comme un droit universel. Ces reconnaissances juridiques sont essentielles puisqu’elles offrent l’ancrage nécessaire pour permettre la revendication de ce droit devant les tribunaux. Cela instaure aussi des obligations pour les gouvernements d’agir de manière préventive, afin de protéger la santé environnementale.

Bien qu’il s’agisse d’une étape importante, il faut se rappeler que le travail ne fait que commencer. Le défi est de taille, et l’exemple du Québec le démontre bien : une simple reconnaissance de ce droit n’est pas suffisante et il est impératif de transposer efficacement ce droit dans des protections environnementales plus fortes et décisives. Alors que les inégalités environnementales se multiplient dans les communautés autochtones et socioéconomiquement marginalisées, il est évident que le droit à un environnement sain est loin d’être une réalité pour tous.

Les modifications apportées à la LCPE créent une obligation pour le gouvernement de protéger le droit de chaque individu à un environnement sain et, ce faisant, de faire respecter le principe de justice environnementale. Ces réformes représentent la première référence à la justice environnementale dans la loi canadienne, alors que l’histoire du pays est teintée de lourdes injustices environnementales, encore persistantes à ce jour.

Le livre collectif La nature de l’injustice (Écosociété), publié le 23 mai dernier, détaille bon nombre de ces injustices. Au Canada, les communautés afro-néo-écossaises ont depuis longtemps protesté contre les effets néfastes et toxiques auxquels elles sont exposées en lien avec des sites dangereux, tels les dépotoirs. Les communautés inuites, quant à elles, sont encore confrontées à l’insécurité alimentaire et à la contamination chimique des aliments, en plus d’être disproportionnellement affectées par le réchauffement climatique causé par les modes de production et de consommation des populations du sud du pays. Au Québec, les lois minières, par le biais des claims miniers, ne respectent pas les droits autochtones universellement reconnus, tandis que les communautés de Rouyn-Noranda font face à des inégalités persistantes en matière de santé en raison des activités de la fonderie Horne.

Par ailleurs, sachant que les changements climatiques augmenteront le nombre de feux de forêt ainsi que leur intensité, il apparaît opportun d’invoquer ce nouveau droit à un environnement sain pour forcer nos gouvernements à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à mieux protéger les communautés plus à risque d’en subir les conséquences, dont celles des Premières Nations.

Dans ces circonstances, il est essentiel de continuer à rassembler et à mettre en lumière la panoplie d’injustices environnementales — en croissance constante — afin de révéler les risques disproportionnés qui reposent sur les épaules des peuples autochtones et des communautés racialisées et marginalisés sur le plan socioéconomique, autant ici qu’ailleurs dans le monde.

Pour que le droit à un environnement sain devienne une réalité, nos gouvernements doivent prendre dès maintenant des mesures ambitieuses afin d’améliorer l’application de ce droit afin que personne ne soit laissé pour compte. Pour ce faire, nous devons absolument lutter contre l’invisibilisation des injustices environnementales, notamment en obligeant les gouvernements à surveiller et à exposer les réalités environnementales et sanitaires des populations historiquement marginalisées.

Ce travail est fondamental pour que le droit à un environnement sain aille au-delà des termes juridiques et qu’il puisse réellement soutenir ceux et celles qui en ont le plus besoin.

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