Manifeste pour un moratoire d’un an sur le projet de tramway de Québec

« Le choix d’un tramway traditionnel sur rails avec câbles suspendus nous apparaît encore discutable et ne pas convenir à notre ville », estiment les signataires.
Ville de Québec « Le choix d’un tramway traditionnel sur rails avec câbles suspendus nous apparaît encore discutable et ne pas convenir à notre ville », estiment les signataires.

La nécessité pour la ville de Québec de se doter d’un réseau structurant de transport en commun ne fait aucun doute. Par contre, le choix d’un tramway traditionnel sur rails avec câbles suspendus nous apparaît encore discutable et ne pas convenir à notre ville. Des sondages récents indiquent qu’une majorité de citoyens n’appuient pas ce projet. Nous pensons qu’il est encore temps de poser des questions qui pourraient aider la collectivité à réfléchir sur la pertinence de s’engager dans sa réalisation.

Pourquoi remettre en question le projet encore une fois ? Plus le temps passe, plus les arguments initiaux qui conduisirent au choix du tramway sur rails perdent de l’élan. Les technologies relatives aux véhicules électriques ont progressé de façon phénoménale au cours des cinq dernières années. Des véhicules électriques de toutes tailles apparaissent massivement dans les rues et sur nos routes. Les systèmes d’observation et de contrôle de la circulation routière se sont multipliés. Les systèmes intelligents de contrôle de la position sont maintenant si répandus que la majorité des citoyens disposent d’applications qui rendent plus faciles leurs déplacements, tous moyens de transport confondus.

Dans ce contexte, un tramway électrique autonome, sur roues pneumatiques, combiné à un système de contrôle en temps réel des déplacements de la flotte, de l’achalandage et des feux de circulation nous semble une option qui doit de nouveau être considérée.

Cette solution éliminerait les principaux éléments coûteux et invasifs du tramway traditionnel : rails, béton, tunnel, fils électriques suspendus. Elle réduirait significativement les coupes d’arbres. Un tramway électrique sur roues pneumatiques constitue une solution qui serait agile et flexible, évolutive avec les besoins des usagers, les changements démographiques et l’apparition inévitable de nouvelles technologies. Un tramway sans rails et sans fil permettrait même d’intégrer la rive sud de Québec, dès maintenant, dans le plan d’implantation et de développement du tramway. Ceci donnerait un sens sans précédent à l’aspect « structurant » du réseau de transport en commun envisagé.

Un argument majeur est à notre avis trop peu considéré dans la réflexion sur le choix de la technologie. Dans les rapports et études, on a toujours comparé un tramway aux autres technologies. Or, la comparaison qui doit être faite n’est pas simplement entre un tramway et autre chose ; il faut comparer un tramway à Québec avec les autres technologies pouvant être implantées à Québec. Deux caractéristiques intrinsèques du tramway de Québec rendent celui-ci considérablement moins intéressant que d’autres technologies : la nécessité, à Québec, de construire un tunnel pour que le tramway soit viable, et la rigueur des conditions hivernales dans la ville.

Service rapide par bus

 

L’argument d’assise du projet de tramway semble être sa capacité de transport de 3900 passagers par heure par direction (pphpd), tandis que les besoins de la ville de Québec projetés en 2041 se situeraient à 3600 pphpd aux heures de pointe, selon le rapport du BAPE portant sur ce projet. Pourtant, comme le BAPE l’a noté dans ce même rapport, « dans l’étude de faisabilité précédente menée par les villes de Québec et de Lévis, le mode SRB [service rapide par bus] était jugé suffisant pour répondre à la demande jusqu’en 2041 ». En effet, un SRB possède une capacité de 3000 pphpd, qui est donc très proche de celle qui semble requise en pointe pour 2041.

Faut-il le rappeler, le mode de transport qu’est le SRB est beaucoup moins onéreux et son tracé plus long permettrait de rejoindre sans correspondance plus d’arrondissements de Québec, dont la desserte de l’aéroport. De plus, contrairement au tramway sur rails, les autobus électriques ou le tramway sans rails ne nécessitent pas qu’on creuse des tunnels, dédouble les équipements d’entretien et la formation pour utiliser ces mêmes équipements, se dote de machinerie spécialisée dans l’entretien des rails (déneigement, meulage, etc.), installe des caténaires et abatte des arbres, pour ne citer que ces exemples.

L’avantage du tramway par rapport au SRB électrique ou au tramway sans rails ne se conçoit donc que si un achalandage de 3600 pphpd était atteint en 2041 et que la capacité de transport des autobus ne changeait pas d’ici là. Dans un cas comme dans l’autre, rien n’est moins sûr ! Rappelons que la Ville de Québec a déjà changé d’avis quant à son achalandage projeté et que la pandémie a diminué les besoins en déplacements des citoyens.

Par ailleurs, des autobus électriques biarticulés (tramway sans rails) de grande capacité (plus de 300 passagers) sont développés et déployés en Chine depuis 2018. De tels véhicules peuvent effectuer leurs parcours rapidement entre autres parce qu’ils possèdent autant de portes qu’un tramway sur rails et qu’ils peuvent contrôler les feux de circulation. Ces autobus électriques ou « tramway sans rails » et ceux qui les suivront promettent des capacités supérieures à 4500 pphpd.

Devant tant d’incertitudes, est-il sage de choisir la solution la moins flexible et la plus chère ? Les analyses actuelles accordent peu de considération aux incertitudes des besoins et à l’ensemble des solutions envisageables. Considérant que les effets du choix du mode de transport se feront sentir sur des décennies, nous proposons donc un moratoire d’au moins un an pour que soit mieux étudiées et prises en compte ces incertitudes et solutions.

Cela laisserait aussi suffisamment de temps pour mettre à jour le coût du projet et permettrait ainsi aux citoyens de mieux comprendre les risques et les avantages que comportent les choix de la Ville. Ultimement, cela susciterait une meilleure acceptation du mode de transport collectif choisi pour Québec.

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