De quoi les facultés d’éducation ont-elles peur?

Ces dernières semaines, les sections Opinion des principaux journaux québécois nous ont donné à voir toute une myriade de textes attaquant l’idée d’un Institut d’excellence en éducation se basant sur les données probantes. Alors qu’au cours des 25 dernières années, de nombreux instituts nationaux d’excellence en éducation furent créés de par le monde (ex. : Australie, Finlande, France, Royaume-Uni, etc.), on est en droit de se demander ce qui explique cette montée frénétique aux barricades. De quoi le corps professoral des facultés québécoises d’éducation a-t-il peur ?
Pour voir clair dans le charabia de la vie, il faut oser dire les faits.
Omniprésence du constructivisme
Le constructivisme, qui se décline en plusieurs variantes, a le monopole philosophique dans les facultés d’éducation partout dans le monde.
Le constructivisme considère que la connaissance est une construction personnelle. Dans sa version dominante, le constructivisme nie l’existence d’une réalité objective, combat l’universalisme, adopte un relativisme récursif et encourage un processus de déconstruction pour accéder au coeur du pouvoir, qui, lui, serait réel ! Le constructivisme refuse la possibilité que ses prétentions soient contestées et évaluées systématiquement, posture aux relents d’intouchabilité religieuse, comme cela est dénoncé dans un rapport de l’association des doyens.
Le nihilisme accompagne l’expansion de cette philosophie. Les similitudes avec le postmodernisme et le wokisme ne sont pas fortuites, ces courants s’enfantant les uns et les autres de manière continue.
Le constructivisme encourage exclusivement les pédagogies de l’investigation et, comme tout est relatif, combat les évaluations comparatives, la notion d’efficacité, la recherche corrélationnelle/expérimentale, les données probantes et, en corollaire, honnit plus ou moins ouvertement les approches de l’enseignement direct et explicite.
Pour s’assurer que ces positions sont embrassées par tous, certains sympathisants veillent à ce que ceux qui les remettent en cause soient frappés d’ostracisme, peinent à obtenir des subventions de recherche ou à publier leurs travaux, reçoivent des réprimandes des autorités et se voient servir l’accusation ultime : celle d’appartenir à l’extrême droite !
C’est dans cette béchamel opaque que baignent les facultés d’éducation depuis plus de 35 ans.
Au cours des années, un candidat à un poste dans une faculté d’éducation qui n’affiche pas son adhésion au constructivisme a peu de chances d’obtenir un emploi. Cette tendance est internationale, mais elle est particulièrement lourde au Québec, où on déplore l’élimination quasi complète de toute forme d’hétérodoxie face au constructivisme. En 2023, dans bien des facultés québécoises d’éducation, il n’y a en effet ni professeur d’orientation béhaviorale ni représentant du Direct Instruction. Il y a également peu de spécialistes des données probantes et de la recherche scientifique (corrélationnelle et expérimentale), voire aucun. Ce nettoyage idéologique dans les facultés est tel que l’expertise en statistique éducationnelle et en méthodologie expérimentale est presque perdue.
Le constructivisme n’est pas qu’hégémonique dans les facultés québécoises d’éducation, il l’est aussi au ministère, dans les syndicats, dans les centres de services, au Conseil supérieur et dans tous les autres organismes périphériques, ainsi que dans toutes les revues pédagogiques universitaires. Le niveau de rigueur de certaines de ces revues est faible, cela se manifestant par la publication d’articles de piètre qualité qui peuvent affirmer des faussetés, le tout accompagné de moult signataires appuyant ces faussetés.
Les sympathisants du constructivisme se sont construits au cours des années un espace douillet (safe space). Le risque de devoir justifier leurs prétentions philo-idéologiques est négligeable. Et c’est là que l’Institut d’excellence en éducation inquiète. La probabilité que leurs prétentions soient publiquement contestées par un autre organisme que ceux — nombreux — qu’ils contrôlent les terrorise.
De plus, la recherche expérimentale produite dans les facultés au Québec est rarissime. Les constats de la recherche scientifique ne sont présentés avec rigueur nulle part. Des mythes pédagogiques sont toujours enseignés dans les facultés d’éducation comme si elles étaient des connaissances établies. Le Renouveau pédagogique de l’an 2000, qui est un échec, a été adopté par le ministère de l’Éducation sans que le Conseil supérieur de l’éducation et la multitude d’instances regroupant les experts de l’apprentissage et l’enseignement des facultés attachent le grelot au manque de rigueur de cette réforme et à l’absence des données probantes — seuls des francs-tireurs isolés l’ont noté à leurs risques et périls. Il est donc patent que la création d’un Institut d’excellence en éducation au Québec, basé sur les données probantes de la recherche corrélationnelle et expérimentale, est une absolue nécessité.
De quoi les facultés québécoises d’éducation et plusieurs de ses membres ont-ils donc peur ? De perdre leur monopole idéologique.
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