L’audace en créativité numérique est transgénérationnelle

« Les outils d’aujourd’hui permettent aux artistes et aux artisans de la créativité de revenir à une véritable expression du soi », notent les autrices.
Getty Images « Les outils d’aujourd’hui permettent aux artistes et aux artisans de la créativité de revenir à une véritable expression du soi », notent les autrices.

Cran, vision, passion. Voilà ce qui anime nos créateurs numériques, et toute une industrie en constante ébullition. Ceux-ci sont indéniablement parvenus à un niveau d’excellence quant à la technique — mais ce qui doit véritablement retenir l’attention est l’excellence et l’audace dont nos créateurs font montre dans le propos. Et la pertinence des questionnements qu’ils soulèvent.

S’ils en sont arrivés là, c’est que d’autres ont ouvert la voie. L’industrie de la créativité numérique se réunira le 31 mai à l’Espace St-Denis pour le gala des prix NUMIX, événement annuel récompensant l’excellence des contenus numériques du Québec, en plus de comporter un volet international. Un prix hommage y sera remis à Monique Simard, dont la contribution au développement des différents secteurs qui composent l’industrie québécoise de la créativité numérique est exceptionnelle.

Monique Simard est de celles et ceux qui ont tracé le chemin. Lors de ses passages successifs à l’Office national du film du Canada (ONF) puis à la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), elle a été l’une des premières à offrir à ces institutions culturelles un virage numérique. Elle a choisi de lutter contre l’inertie et de sauter à pieds joints dans un territoire qui lui était alors inconnu. Nous voulons saluer son cran, sa vision et sa passion.

Les artistes lauréats de cette année en sont les dignes héritiers. Les projets qu’ils nous ont offerts lors de la dernière année présentent un discours contemporain fort. Une cuvée qui se résume dans ce judicieux mélange d’affirmation et de maîtrise — d’authenticité et d’ouverture à l’autre. Des créations qui nous ramènent sur le territoire des émotions, de l’empathie et de la réflexion tout en témoignant de la société dans laquelle on se trouve et des débats qui la façonnent au quotidien.

L’audace dont il est ici question n’est pas technologique.

L’audace est un propos.

Les technologies numériques se sont fondues dans la palette des moyens d’expression artistique disponibles aux créateurs pour donner à vivre leur lecture du monde, ce monde qui est aussi le nôtre. Les outils d’aujourd’hui permettent aux artistes et aux artisans de la créativité de revenir à une véritable expression du soi. Ils portent, voire créent, une diversité, une identité culturelle qui a la merveilleuse capacité de se disséminer au-delà de toutes les frontières.

Les créateurs numériques nous offrent de nouveaux territoires où nous rassembler et des occasions de nous transformer. Ils sont défricheurs, éveilleurs de conscience et empêcheurs de tourner en rond. En acceptant de s’ouvrir, de s’ancrer dans l’émotion et de s’exposer à d’autres cultures ainsi qu’à d’autres points de vue, on se donne tous une formidable occasion de grandir en tant qu’être humain.

Seules l’audace et l’authenticité permettent d’ouvrir toutes ces brèches.

Oser la relève

On ne peut songer à l’avenir de la créativité numérique sans que viennent à l’esprit les plus récents développements en matière d’intelligence artificielle (IA) : l’IA générative. Elle a mis le feu. On a vu apparaître un nouveau continent, accentuant la pression sur les créateurs, qui, en plus de rivaliser avec le monde, doivent maintenant le faire avec des machines qui ont digéré des milliards de créations. C’est une accélération de l’émergence de l’économie des créateurs ouverte par les plateformes basées sur la génération de contenus.

Virage ou dérapage ? On ne le sait pas encore, disons simplement ceci. L’IA est un outil, comme toutes les technologies, qu’il faudra apprendre à utiliser de manière pertinente.

Mais évitons les amalgames lorsqu’il est question de créativité numérique, et ayons confiance. Tout cela soulève bien sûr d’importantes réflexions, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle et les enjeux liés à l’hypertrucage (deepfake), mais l’IA générative nécessite (encore) une intervention humaine pour apprendre et créer. C’est l’alliance entre l’expression générée par l’IA et l’empreinte unique de l’artiste qui ouvre de nouvelles perspectives.

Lorsqu’on peut le meilleur comme le pire, misons sur le meilleur.

L’audace est un espoir.

Il faut continuer de former la nouvelle génération de créateurs numériques, de les accueillir dans notre industrie et d’ouvrir la voie à de nouvelles voix. Il faut participer à ce qu’une génération de créateurs puisse utiliser ces outils comme manière contemporaine d’expression.

Comme d’autres avant nous. Monique, par exemple, pour ne pas la nommer. L’audace n’a pas d’âge. L’audace, c’est aujourd’hui de faire de la place. L’audace est transgénérationnelle.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

À voir en vidéo