Préserver les services sociaux dans la réforme en santé

L’actuel projet de loi 15, instaurant Santé Québec, comporte de grands risques pour les services voués au bien-être des citoyens, notamment les populations en contexte de vulnérabilité ou vivant des inégalités sociales et de santé.
Les programmes sociaux comprennent des services psychosociaux généraux pour toute la population : les femmes victimes de violence conjugale, les familles en difficulté ou les personnes vivant divers problèmes d’adaptation ou d’intégration sociale (traumatismes divers, perte d’emploi, isolement social, détresse psychologique, à titre d’exemple). Ils comprennent également des services spécialisés pour les jeunes en difficulté, les personnes ayant une déficience physique ou intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme et les personnes à risque d’abus de substances, exposées à l’itinérance ou dont la santé mentale est menacée.
Rappelons que les services sociaux sont offerts par des équipes interdisciplinaires dans les milieux de vie des personnes, selon une approche de proximité et adaptée aux besoins. Le Québec est la seule province du Canada à avoir intégré la santé et les services sociaux au sein d’un même ministère. Ce choix comporte des avantages puisque les aspects psychosociaux et de bien-être sont souvent intimement liés à la santé physique et mentale.
En contrepartie, certains risques y sont inhérents, notamment en matière de gouvernance clinique des services sociaux et de leur capacité à se développer et à s’adapter aux besoins évolutifs de la population. Souvent, ces services sont négligés au profit d’enjeux « plus criants », dont le débordement des urgences, les listes d’attente en chirurgie et l’accès aux médecins de famille.
L’omniprésence dans la sphère publique d’enjeux critiques en santé physique capte prioritairement l’attention des dirigeants, laissant ainsi pour compte le soutien et le développement des services sociaux et la santé mentale, qui ont tendance à demeurer dans l’angle mort. Leur importance revient momentanément à l’avant-scène au fil des drames qui se succèdent, malheureusement de plus en plus souvent.
Le vide laissé par la disparition en 2015 des associations d’établissements du secteur social, qui jouaient un rôle majeur dans l’amélioration des pratiques, n’a jamais été comblé depuis la réforme Barrette. La relation entre les chercheurs universitaires et le « terrain » pour faire évoluer les pratiques québécoises sur la base des données de recherches récentes s’en est aussi trouvée affaiblie. Le développement des services sociaux a été mis à mal à l’intérieur des structures intégrées. La logique hospitalière mise en avant dans les réformes successives, y compris le projet de loi 15, ne leur convient pas.
Une réponse adaptée
La centralisation est contraire aux bonnes pratiques en matière de services sociaux, qui exigent une réponse adaptée aux personnes, dans la communauté, en complémentarité avec une diversité d’instances et de secteurs.
La société québécoise vit une période postpandémique critique avec des problèmes sociaux importants : crise du logement, crise écologique, inflation, drames familiaux en hausse, décès d’enfants, violence dans les rues, vieillissement de la population, isolement social et problèmes de santé mentale, pour n’en nommer que quelques-uns. Il faut pouvoir compter sur des services sociaux forts pour répondre aux besoins des citoyens.
Pour commencer, il importe d’assurer aux services sociaux une place conséquente à leur importance dans le système de gouvernance à venir. Nous estimons que des amendements au projet de loi sont nécessaires pour renforcer la gouvernance clinique des services sociaux dans la nouvelle structure proposée. Il n’est pas trop tard pour corriger les erreurs des précédentes réformes !