Atteindre et dépasser les cibles de réduction de gaz à effet de serre

«La population québécoise attend beaucoup plus d’actions climatiques de la part du gouvernement fédéral», écrivent les auteurs.
Photo: Marco Bélair-Cirino Archives Le Devoir «La population québécoise attend beaucoup plus d’actions climatiques de la part du gouvernement fédéral», écrivent les auteurs.

Ce printemps, le gouvernement fédéral doit proposer sa première version du règlement sur le plafonnement et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour le secteur des énergies fossiles. Ce dernier fait suite à la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité en vigueur depuis juin 2021 et s’inscrit dans le plan de réduction des émissions 2030. Son objectif : faire en sorte que l’industrie respecte enfin un plafond d’émissions voué à devenir de plus en plus bas au fur et à mesure que les cibles nationales de réduction des GES seront rehaussées pour atteindre la carboneutralité en 2050. Autrement dit : faire en sorte que cette industrie apporte enfin sa juste contribution à l’effort national de réduction de nos émissions, chose qu’elle refuse depuis beaucoup trop longtemps.

Soyons clairs, plafonner ces émissions n’est certes qu’un premier pas, mais c’est un passage obligé. D’inventaire en inventaire, les pétrolières et gazières continuent de battre des records d’émissions. Entre 1990 et 2021, elles ont augmenté leurs émissions de 88 %. Avec 179 mégatonnes de CO2 émis en 2020, ce secteur représentait 27 % des émissions canadiennes, ce qui en faisait celui qui émettait le plus de GES au pays. Une étude récente d’Environnement et Changement climatique Canada indique par ailleurs que les émissions des sables bitumineux pourraient être 65 % plus élevées que ce que rapporte l’industrie. Au strict minimum, les réductions des émissions de pétrole et de gaz devraient diminuer de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030, afin de s’aligner aux cibles que le gouvernement fédéral a établies pour l’ensemble des secteurs de l’économie canadienne.

C’est bien simple, pendant qu’on nous demande — à juste titre — de faire des efforts individuels, a contrario, les industries pétrolières et gazières préfèrent investir des milliards en campagnes de désinformation, et elles s’emploient systématiquement à retarder l’action climatique. D’ailleurs, en février dernier, un rapport d’InfluenceMap a révélé leur hypocrisie : d’un côté, elles déploient une kyrielle de campagnes et de messages sur leurs engagements vers la carboneutralité et, de l’autre, elles exercent une pression intensive à contrer les politiques climatiques que le gouvernement fédéral veut mettre en oeuvre. Ces tactiques portent un nom : l’écoblanchiment.

Pourtant, ces industries savent qu’elles doivent faire des efforts, d’autant plus qu’elles en ont tout à fait les moyens. Selon le Centre canadien de politiques alternatives, ces secteurs sont ceux qui ont bénéficié le plus de l’inflation au pays dans la dernière année, et les cinq plus grandes compagnies du Canada ont engrangé des profits totalisant près de 40 milliards de dollars en 2022. Et ce, sans compter la pléthore de subventions publiques que les pétrolières et gazières continuent de recevoir du gouvernement canadien, soit pas moins de 8,5 milliards de dollars en moyenne entre 2019 et 2021.

Santé planétaire

 

En tant que médecins et organisations environnementales, nous sommes aux premières loges pour témoigner que la santé des personnes et celle de la planète sont inextricablement liées ; c’est d’ailleurs pourquoi nous travaillons dans une perspective de santé planétaire. Alors que l’Organisation mondiale de la santé a qualifié les changements climatiques comme la plus grande menace qui pèse sur l’humanité, les Québécois et les Québécoises constatent de plus en plus fréquemment et même frontalement leurs impacts, avec des tempêtes de verglas en hiver entremêlées à des températures ensuite anormalement douces, des inondations printanières, des vagues de chaleur d’intensité croissante en été, et plus de tempêtes et d’érosion sur les côtes du Québec tout au long de l’année.

Au-delà des menaces environnementales croissantes, nous savons que l’action climatique peut apporter des avantages à court terme. La qualité de l’air peut être améliorée relativement rapidement par des politiques d’aménagement du territoire, qui offriraient, par exemple, une place diminuée à l’auto solo (qu’elle soit à essence ou électrique, puisqu’une quantité significative de la pollution atmosphérique vient de l’usage des pneus et des poussières d’abrasifs), mais qui augmenteraient l’apport des transports collectifs et actifs dans l’ensemble des villes du Québec. Directement, cela améliore la santé des gens, et contribue à réduire les coûts déjà énormes de notre système de santé.

La population québécoise attend beaucoup plus d’actions climatiques de la part du gouvernement fédéral. Elle attend surtout de la cohérence et de l’ambition pour atteindre et dépasser les cibles de réduction de GES. C’est pourquoi il est essentiel que le projet de plafonnement et de réduction des émissions du secteur des énergies fossiles qui sera débattu dans les prochains mois voie le jour et réussisse enfin à mettre fin au statu quo. C’est aussi pourquoi les Québécois et Québécoises, ainsi que les Canadiens et Canadiennes d’un océan à l’autre, organisent une journée d’action pour un plafonnement ambitieux des émissions le jeudi 25 mai.

L’ambition doit être le maître mot d’un plafonnement qui s’alignera sur la science et ne permettra pas à l’industrie de contourner encore une fois ses obligations en achetant des réductions d’émissions ailleurs. Surtout, le plafonnement devra tenir compte des principes de transition juste, d’équité et de justice environnementale.

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