Pour un aménagement du territoire plus ambitieux

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest

Le 21 mars dernier, la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest déposait le projet de loi numéro 16, modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, dans la foulée de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire. S’il est adopté, il s’agirait de la modification la plus importante dans l’histoire de cette loi fondatrice, qui établit les bases de notre système d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Sans revoir de fond en comble ce système, le projet de loi propose plusieurs améliorations, dont la réalisation récurrente d’un bilan national de l’aménagement du territoire, la modernisation du contenu des plans des municipalités et des nouvelles mesures facilitant la densification.

Des consultations en commission parlementaire ont eu lieu au courant du mois d’avril et la société civile a été au rendez-vous. Au total 18 groupes et experts ont été entendus, dont l’Ordre des urbanistes du Québec, et 16 autres groupes ont déposé des mémoires, et ce malgré les courts délais.

Plusieurs intervenants partagent la même impression : le projet de loi représente une belle avancée tout en laissant en plan plusieurs considérations importantes, notamment des mesures garantes d’une réelle exemplarité de l’État. À l’approche de l’étude détaillée du projet de loi, revenons sur quelques bonifications clés proposées lors des consultations.

Inscrire la Politique nationale dans la loi

 

Fruit d’une large mobilisation de la société civile, la Politique nationale établit une vision globale pour les actions du gouvernement sur le territoire. Cette politique doit être pérennisée en enchâssant dans la loi son existence et l’obligation d’une révision périodique. C’était la première recommandation de l’Ordre et elle a aussi été soulevée par d’autres groupes dont Vivre en Ville, l’Union des producteurs agricoles, le G15 + et l’Alliance Ariane. Les choix du gouvernement, que ce soit en transport, en infrastructures ou via ses différents programmes, ont un impact fondamental sur l’aménagement du territoire : il faut avoir une vue d’ensemble.

Créer une instance indépendante en aménagement du territoire

 

L’instauration d’un système de bilans et de monitorage en aménagement du territoire est l’un des éléments les plus prometteurs du projet de loi. L’amélioration de nos pratiques passe nécessairement par une meilleure compréhension du territoire et des impacts de nos interventions sur celui-ci. Mais il faut aller plus loin : nous avons besoin d’un regard externe indépendant, pour conseiller le gouvernement, évaluer les différents programmes et politiques ainsi que soutenir l’amélioration continue des pratiques. Plusieurs groupes ont proposé la création d’un Observatoire de l’aménagement ou bien du poste d’aménagiste en chef, comparable à un vérificateur général. L’Institut de développement urbain a proposé un Conseil national de l’aménagement composé d’experts indépendants.

Faire de la ministre des Affaires municipales la gardienne de l’exemplarité

Pour faire en sorte que l’aménagement devienne réellement une préoccupation transversale, il faut un responsable politique clair. C’est pourquoi plusieurs groupes ont proposé que la ministre des Affaires municipales soit explicitement identifiée dans la loi comme la responsable de l’aménagement du territoire et qu’elle joue un rôle prépondérant sur les autres ministères en la matière, par exemple en établissant des critères territoriaux auxquels les programmes et projets devraient répondre et en adoptant une politique de localisation des édifices publics.

Enfin, d’autres enjeux ont été soulevés par de multiples acteurs et ceux-ci méritent de trouver écho dans la loi à venir. Les milieux municipal et de l’environnement ont exprimé des préoccupations légitimes quant à la notion de l’expropriation déguisée, dans un contexte de jugements récents invalidant des dispositions de zonage visant à préserver des milieux naturels et des boisés. Les mêmes acteurs ont également dénoncé la préséance de la Loi sur les mines sur la planification territoriale. Enfin, plusieurs autres, dont l’Institut du Nouveau Monde et le Centre d’écologie urbaine de Montréal ont appelé à lancer un chantier en vue d’une réforme de la participation publique et des référendums en urbanisme.

En résumé, les consultations sur le projet de loi numéro 16 ont été riches et ont permis d’identifier des préoccupations partagées par plusieurs groupes ainsi que des améliorations essentielles à y apporter. Nous espérons que les élus seront à l’écoute du milieu et que l’étude détaillée permettra de ressortir avec une loi plus ambitieuse. C’est le défi que nous lançons au gouvernement : profitons de l’élan de la Politique nationale pour aller plus loin !

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