La danse à un tournant

«De la glorieuse fragilité», une création de Karine Karine Ledoyen, présentée en 2018.
Marie-France Coallier Le Devoir «De la glorieuse fragilité», une création de Karine Karine Ledoyen, présentée en 2018.

Récemment, les créateurs et créatrices en danse du Québec se sont mobilisés afin de faire entendre d’une seule voix leur inquiétude quant à l’avenir de la discipline. Dans une lettre signée par plus de 60 chorégraphes et adressée au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), les signataires font état d’une situation préoccupante quant aux conditions de pratique, et ce, dans toute la chaîne création-production-diffusion. Ce document met en relief l’appauvrissement chronique du milieu de la danse, phénomène qui résulte en grande partie d’un financement historiquement insuffisant, et ce, de la part de tous les conseils des arts.

Malgré une précarité sévissant depuis longtemps au sein de la communauté, les artistes de la danse, grâce à leur talent, à leur sens créatif et à leur grande adaptabilité, ont toujours su offrir au public des oeuvres de grande qualité reconnues sur les scènes du monde entier. En dépit de cela, aujourd’hui, le constat est brutal, et la pandémie n’a fait qu’exacerber une situation de vulnérabilité déjà trop présente au sein du milieu.

Depuis des décennies, malgré quelques petites embellies, il nous semble que l’austérité a presque toujours été la règle. Nous déplorons un nivellement vers le bas du financement des artistes et compagnies. Nous nous inquiétons de ce que le milieu sera en mesure de créer, de produire et de faire rayonner étant donné les moyens limités mis à sa disposition. Nous constatons une diminution de ces moyens, qui est due à l’augmentation de nombreux coûts et à l’amélioration des conditions de travail que réclament à juste titre nos équipes artistiques et de soutien.

De nouvelles générations d’artistes déploient des signatures artistiques dont la pérennité et la viabilité sont fondamentales pour le développement du secteur de la danse. Ces créateurs et créatrices constituent les piliers de la danse québécoise de demain. Dans une perspective et une vision à long terme, ces démarches artistiques nécessitent une consolidation financière immédiate.

Nous reconnaissons que durant la pandémie, des aides appréciables du CALQ ont tout de même permis à plusieurs artistes d’explorer de nouvelles avenues dans le contexte difficile des restrictions sanitaires. Des initiatives innovantes sont apparues et ont même favorisé l’approche vers de nouveaux publics sur le territoire québécois. Les nouveaux modes de création déployés pendant la pandémie, soutenus par ces aides d’urgence, ont permis l’acceptation d’un ralentissement des activités de production, une diversification des activités et l’apparition de démarches soucieuses de développement durable.

Comme répercussion, de nouvelles pratiques ont aussi vu le jour, par exemple : davantage de temps pour la recherche, l’augmentation des présentations in situ et des projets immersifs, l’augmentation des résidences en région avec un soutien financier. Malheureusement, la non-récurrence de ces aides vient freiner cet élan.

Ces réalités nous ont menés à remettre en question nos modes de production antérieurs profondément ancrés sur la pauvreté et l’épuisement des ressources humaines.

À la lumière de ces constats, nous estimons qu’un effort majeur de la part des bailleurs de fonds doit être fait afin de permettre à la danse d’être plus présente au Québec, et ce, autant dans les grands centres qu’en région. Il s’agit ici de corriger un état de fait déplorable quant à l’accessibilité des oeuvres de danse au Québec, et ce, malgré des efforts notables.

Nous demandons une hausse importante du financement global du secteur de la danse au Québec afin d’améliorer prioritairement le soutien à la création, à la diffusion et au rayonnement.

Les chorégraphes signataires :

1. David Albert-Toth
2. Louise Bédard
3. Marie Béland
4. Hélène Blackburn
5. Ariane Boulet
6. Sarah Bronsard
7. Virginie Brunelle
8. Soraïda Caron
9. Marie Chouinard
10. Sophie Corriveau
11. Lina Cruz
12. Sarah Dell’Ava
13. Mélanie Demers
14. Charles-Alexis Desgagnés
15. Rhodnie Désir
16. Danièle Desnoyers
17. Geneviève Duong
18. Sylvain Émard
19. Annie Gagnon
20. Catherine Gaudet
21. Katia-Marie Germain
22. Margie Gillis
23. Frédérick Gravel
24. Lucie Grégoire
25. Emily Gualtieri
26. Emmanuel Jouthe
27. Audrée Juteau
28. Sasha Kleinplatz
29. Alan Lake
30. Alexandra Landé
31. Caroline Laurin-Beaucage
32. Emmanuelle Lê Phan
33. Louise Lecavalier
34. Karine Ledoyen
35. Diana León
36. Elodie Lombardo
37. Séverine Lombardo
38. Victoria Mackenzie
39. Philippe Meunier
40. Alexandre Morin
41. José Navas
42. Brice Noeser
43. Dorian Nuskind-Oder
44. Erin O’Loughlin
45. Aurélie Pedron
46. Andrea Peña
47. Emile Pineault
48. Jacques Poulin-Denis
49. Sébastien Provencher
50. Victor Quijada
51. Amélie Rajotte
52. Kunal Ranchod
53. Gerard X Reyes
54. Harold Rhéaume
55. Manu Roque
56. Helen Simard
57. Caroline Simonis
58. Nadine Sylvestre
59. Yvon Soglo (Crazy Smooth)
60. Bettina Szabo
61. Anne Thériault
62. Laura Toma
63. Andrew Turner
64. Nate Yaffe, Le Radeau
65. Ian Yaworski
66. Paco Ziel

Cette lettre est par ailleurs soutenue par :

Fannie Bellefeuille, Groupe RUBBERBANDance ; Francine Bernier, L’Agora de la danse ; Martin Boisjoly, Le Carré des Lombes ; Adrien Bussy, Compagnie Flak ; Maya Daoud, Sylvain Émard Danse ; Pierre Des Marais, Danse Danse ; Francine Gagné, Circuit-Est centre chorégraphique ; Marie-Andrée Gougeon, Daniel Léveillé Danse ; Steve Huot, Le Groupe Danse Partout ; Stéphane Labbé, Tangente ; Sylvie Lavoie, Lorganisme ; Nadine Medawar, Regroupement québécois de la danse ; Claire Molinot, Parbleux

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