Conjuguer l’avenir au présent en éducation

Ces jeunes à qui nous enseignons et qui seront les profs de demain veulent être reconnus, accueillis, et sécurisés.
Martine Doucet Getty Images Ces jeunes à qui nous enseignons et qui seront les profs de demain veulent être reconnus, accueillis, et sécurisés.

Entre une fin de session chargée, le stress des épreuves synthèses des cours, le travail rémunéré et ce qui reste pour la vie personnelle, des jeunes étudiantes et étudiants du programme de Sciences humaines inscrits dans le profil Éducation du cégep Limoilou ont choisi d’investir le lieu des hauts savoirs. C’est dans le cadre des forums citoyens Parlons éducation des 14 et 15 avril à l’Université Laval que ces jeunes adultes ont écouté, échangé et joint courageusement leur voix à celles de profs de tous les niveaux, de chercheurs et de citoyens afin de saisir la réalité actuelle de notre système d’éducation pour « le rêver mieux ».

La tête pleine de questions, de doutes, de certitudes, de bienveillance et d’ambition, voici leur voix, à l’aube de leur parcours universitaire qui les mènera à oeuvrer auprès de nos enfants et petits-enfants, déclinée en sept priorités.

1. À propos de la mission. Transformer l’éducation d’une visée productiviste à une visée émancipatrice où les apprentissages sont significatifs pour les élèves et où ils transmettent les valeurs de vivre-ensemble et de respect, et non pas de compétition et d’individualisme. Pour ce faire, il faut notamment revoir notre système d’évaluation en réfléchissant à la place des bulletins chiffrés dès le primaire. Il faut aussi inclure des cours ou des ateliers de philosophie pour enfants, d’empathie et de connaissance de soi dès le préscolaire et tout au long du cheminement scolaire.

2. À propos du financement. S’inspirer de l’Ontario au sujet des écoles privées. Le gouvernement du Québec accorderait ainsi moins de subventions, voire les cesserait, dans l’objectif de diminuer l’élitisme causé par la sélection des élèves par les écoles privées. Inciter les écoles privées à se convertir en écoles publiques lors de cette transition pour amoindrir la pression sur le système public qui surviendra avec la fin des subventions.

3. À propos des besoins des jeunes. Écouter les besoins des jeunes concernant les spécifications scolaires (notamment en termes de spécialités autres que chimie, physique, biologie…), et s’assurer que les programmes particuliers stimulants et motivants dans les écoles publiques sont gratuits, dans une visée d’accessibilité pour tous les jeunes du Québec, et ce, sans discrimination et stigmatisation liées au statut économique des parents.

4. À propos de l’intégration. Intégrer les parents et la communauté dans les classes d’accueil et de francisation des élèves issus de l’immigration. Par exemple, offrir des conditions permettant aux parents de passer des après-midi dans la classe de leur enfant afin qu’ils puissent voir ce qu’il fait pendant la journée. Le tout dans le but d’amener ces parents nouvellement arrivés à avoir une meilleure vision de l’école et à être davantage intégrés à leur communauté. Les élèves pourraient faire plus d’activités avec les classes ordinaires, telles que du mentorat.

5. À propos de la reconnaissance et des conditions. Valoriser les enseignants en leur offrant de meilleures conditions de travail, telles que les reconnaître comme de réels pédagogues, c’est-à-dire comme des spécialistes des enfants et de leur matière. Valoriser la profession en proposant des classes comportant moins d’élèves et en s’assurant que les enseignants ont le soutien nécessaire, c’est-à-dire une orthopédagogue, une technicienne en éducation spécialisée, etc., afin que tous puissent recevoir l’aide nécessaire. En début de carrière, les enseignants ne devraient pas avoir accès aux classes les plus difficiles, pour éviter que les nouveaux diplômés décrochent de la profession. S’ils ont plus d’expérience, ils sauront mieux gérer les classes plus difficiles.

6. À propos de la formation. Réformer le programme universitaire afin de combiner le baccalauréat en adaptation scolaire et celui en enseignement au préscolaire et primaire puisqu’il y a de plus en plus d’élèves en difficulté dans les classes, notamment dans celles dites « ordinaires ». Le bac en adaptation scolaire devrait se donner dans toutes les universités pour inciter les futurs enseignants à s’y inscrire.

7. À propos de la recherche. Que la formation des enseignants soit au diapason des réalités que les nouveaux enseignants vivent sur le terrain (cours théoriques plus proches de l’adaptation scolaire) et que les enseignants aient du temps de libéré pour suivre de la formation continue et être au fait des données scientifiques sur les meilleures interventions auprès des élèves.

• • • • •
 

Ces jeunes, dans le cadre d’un travail scolaire, vont dans des écoles pour faire des observations et des entrevues avec des professionnels du milieu, le plus souvent des professeurs du primaire et du secondaire. Depuis quelques années, les témoignages de plusieurs professeurs pourraient en démotiver plus d’un à poursuivre le rêve d’être celui ou celle qui donnera le goût d’apprendre aux enfants !

Dans les expériences partagées, il y a quelque chose comme de la tristesse, de la souffrance, voire du découragement ! De la violence verbale et physique, la perte d’un sentiment de compétence face aux trop nombreux besoins de jeunes rencontrant des difficultés, qui deviennent comme une gifle aux idéaux du début de carrière ! Des parents présents, heureusement, mais parfois trop suspicieux à l’égard des compétences professionnelles du prof. Des défis de concentration, d’anxiété, d’omniprésence des cellulaires et des effets néfastes des réseaux sociaux, etc.

Pourtant, ces profs aiment leurs jeunes ! Aiment faire apprendre, aiment tout ce qui touche la relation à l’autre, cet autre, jeune et moins jeune, qui ne demande qu’à être nourri, qu’à être propulsé et encouragé dans son développement global.

Ces jeunes à qui nous enseignons et qui seront les profs de demain veulent être reconnus, accueillis et sécurisés. Ils sont très préoccupés par les conditions de travail de tous les acteurs du milieu et les injustices de notre système d’éducation actuel, qui privent le Québec de jeunes talents, et ce, dans toute la belle et grande diversité des talents ! Serons-nous dignes de leurs préoccupations ? Pour le présent et l’avenir, cela doit être LA priorité de tous les Québécois et toutes les Québécoises !

À voir en vidéo