La loi sur la laïcité doit s’appliquer aussi dans les cégeps

Dans son éditorial du 11 avril, Marie-Andrée Chouinard a tout à fait raison de se désoler qu’il faille encore aujourd’hui, et peut-être encore plus qu’hier, être extrêmement vigilant sur la défense de la laïcité dans le système scolaire.
Elle a également raison de rappeler que le débat remonte aux années 1960 et au rapport Parent. D’ailleurs, c’est à cette commission d’enquête que l’on doit la création des cégeps et c’est là que le bât blesse dans l’actuel débat sur les salles de prière dans nos établissements scolaires.
Les cégeps ont été instaurés notamment à partir des collèges classiques et des écoles normales qui, eux, étaient confessionnels, mais les nouveaux collèges qui allaient en émerger allaient quant à eux être francophones ou anglophones et entièrement laïques afin d’assurer un égal accès à tous.
Il est donc assez renversant d’observer l’attitude de l’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, qui refuse d’assurer le respect de la Loi sur la laïcité de l’État dans les cégeps et universités qui sont sous sa responsabilité. La ministre n’a en effet pas l’intention, pour l’instant, de mettre fin à l’usage de locaux servant aux prières dans les cégeps.
Pourtant, les articles 2 et 3 de cette loi stipulent que les principes de la laïcité doivent être respectés « en fait et en apparence » dans les institutions gouvernementales ; les cégeps et les universités sont explicitement nommés dans la liste des institutions visées par ces articles.
Cette même loi accorde à toute personne « le droit à des institutions gouvernementales laïques ainsi qu’à des services publics laïques ». En outre, le jugement de la Cour suprême du Canada Mouvement laïque québécois c. Saguenay interdit à l’État, au nom de la neutralité religieuse, de favoriser l’exercice d’une religion dans le fonctionnement de ses institutions.
Si, comme en a finalement convenu le ministre de l’Éducation Bernard Drainville, le fait de réserver ou d’aménager des salles utilisées pour des prières dans les écoles primaires et secondaires est incompatible avec la laïcité « de fait et d’apparence » et viole la loi, la même logique vaut pour les autres niveaux d’enseignement.
Les cégeps laïques ont été créés bien avant l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État. Maintenant que le Québec s’est doté d’une telle loi, il est inacceptable de laisser libre cours à la régression actuelle de la laïcité dans ces établissements.
La ministre Pascale Déry se doit donc d’intervenir le plus rapidement possible pour faire respecter la loi dans ces établissements afin d’éviter que cette régression ne devienne incontrôlable et rende la loi inapplicable. Sinon, il appartiendra au premier ministre François Legault de rappeler sa ministre à l’ordre.
La seule disposition de la loi sur la laïcité qui ne vise pas les cégeps et les universités est celle portant sur l’interdiction du port de signes religieux par les enseignants. Nous croyons d’ailleurs qu’il s’agit là d’un accroc majeur et difficilement défendable au principe de la laïcité et sur lequel il faudra bien revenir un jour.