Former des Émilie et Émile Bordeleau? Pourquoi pas.

Aux États-Unis, une formation courte donne des résultats semblables à une formation plus longue, précise l’auteur.
iStock Aux États-Unis, une formation courte donne des résultats semblables à une formation plus longue, précise l’auteur.

Comme on le sait, la TELUQ a répondu à la demande du ministre de l’Éducation de proposer une formation qualifiante courte pour plus de 4800 enseignants non légalement qualifiés, mais dont un peu plus de 70 % posséderaient tout de même un baccalauréat ou une maîtrise. Malgré cette flexibilité à l’engagement, des centaines de postes ne seraient tout de même pas pourvus. Nous sommes donc devant une situation grave et socialement catastrophique que les facultés (et départements) d’éducation ne semblent pas avoir prévue et à laquelle elles répondent sans vigueur évidente.

L’annonce de ce programme a suscité des réactions d’indignation de plusieurs membres du gotha des facultés en éducation des universités. Pourquoi ? Essentiellement, ils défendent l’idée qu’une formation en enseignement plus longue et plus « complète » serait de meilleure qualité et plus efficace. Ah oui ? Sur quoi se basent-ils pour affirmer cela ?

La longue formation de quatre ans adoptée il y a plusieurs années a-t-elle entraîné une amélioration des habiletés du personnel enseignant et du rendement des élèves ? Il ne semble pas que ce sujet ait suscité un vif intérêt dans le corps professoral universitaire et, au final, on ne le sait pas, quoique des données périphériques indiquent des problèmes de fond et sans doute une certaine médiocrité, qui aurait dû depuis longtemps justifier un branle-bas de combat au sein des facultés. Ce ne fut pas le cas.

Comment expliquer la léthargie indécente du sérail universitaire devant le taux d’abandon (qui serait de 25 % à 50 %) des étudiantes et étudiants dans certaines régions avant la fin de la formation ? Encore une fois, ce sujet n’entraîne aucune effervescence, et les facultés ne colligent toujours pas les données pour qu’elles soient publiquement accessibles et compréhensibles. Comment expliquer que le personnel enseignant dans certaines régions abandonne massivement la profession (jusqu’à 50 %) dans les cinq premières années ? Est-ce que cela pourrait être en lien avec la place qu’occupe honteusement encore en 2023 l’enseignement de mythes et légendes pédagogiques dans les facultés d’éducation comme si ceux-ci étaient des connaissances véritables ?

Au minimum, avec les éléments précédents, on peut remettre en question l’efficacité des facultés d’éducation, s’inquiéter de l’apathie de ces dernières face aux faibles résultats qu’elles obtiennent et de la nonchalance devant leur responsabilité sociétale.

Changer la donne

Le projet de la TELUQ n’est peut-être pas parfait, mais il est une tentative courageuse de changer la donne dans la formation du personnel enseignant qui est en fonction et qui n’est pas légalement qualifié. Il est évident qu’un cheminement laborieux de qualification pour ces gens risque d’entraîner leur abandon éventuel de la formation et sans doute de la profession.

Les facultés savent bien que les taux de complétion à la maîtrise sont bas. Elles savent également que leurs étudiants ayant un travail et une famille sont plus à risque de ne pas terminer leur formation, réalité partagée probablement par un bon pourcentage du personnel enseignant non qualifié en fonction. Selon certaines données disponibles, la maîtrise qualifiante des facultés risque d’être un beau ballon de baudruche peu populaire et à la complétion faible. Si les facultés avaient voulu indiquer à la société québécoise qu’elles n’ont aucune idée viable à proposer, elles n’auraient pas agi différemment.

Est-ce que le projet de la TELUQ va obtenir des résultats supérieurs aux formations longues des facultés ? On ne le sait évidemment pas. Ce que l’on sait, par contre, c’est qu’aux États-Unis une formation courte donne des résultats semblables à une formation plus longue. Cela serait là un début, mais un début bien modeste puisque le fait d’obtenir des résultats comparables aux formations longues n’est pas une gloire, loin de là. Espérons que la TELUQ mettra tout en oeuvre pour suivre les effets de la formation courte sur les habiletés professionnelles et sur le rendement des élèves en les comparant au personnel enseignant qui a bénéficié d’une formation longue. Qui sait ? Cela donnera peut-être des idées aux autres facultés d’éducation…

Finalement, il ne faut pas oublier que la formation professionnelle continue du personnel enseignant est inscrite dans un certain nombre de textes encadrant la profession et qu’elle peut combler des lacunes. À ce propos, il faudrait sans doute sortir des formations-divertissements sans lendemain pour y introduire des formations basées sur la recherche scientifique et les données probantes.

L’image d’Émilie Bordeleau me semble refléter une jeune enseignante joyeuse et humble, qui aurait assumé ses responsabilités et reconnu ses faiblesses. Former des Émilie et des Émile Bordeleau ? Pourquoi pas ! Et les facultés d’éducation pourraient même s’en inspirer pour elles-mêmes.

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