UNEQ, l’union à refaire

«La proposition de prélèvement d’une cotisation syndicale a été rejetée et la vente de la Maison des écrivains a été approuvée», rappelle l’auteur.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir «La proposition de prélèvement d’une cotisation syndicale a été rejetée et la vente de la Maison des écrivains a été approuvée», rappelle l’auteur.

L’assemblée générale du 29 mars dernier de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) a été un désastre. Mettons de côté les incivilités commises par un petit nombre et essayons de mieux comprendre la division interne dont témoigne le vote. La proposition de prélèvement d’une cotisation syndicale a été rejetée et la vente de la Maison des écrivains a été approuvée. Les résultats serrés constituent toutefois un indice de plus de l’existence, au sein de l’UNEQ, de deux conceptions divergentes du métier d’écrivain aujourd’hui.

Écrivain et syndiqué, une contradiction dans les termes ?

La nouvelle loi définissant le statut professionnel des artistes (S-32.1) investit l’UNEQ de nouvelles responsabilités, notamment la négociation d’ententes collectives avec les éditeurs. En vertu de la loi, l’UNEQ a le mandat de défendre les intérêts de tous les artistes de la littérature. Il serait donc logique que ces derniers versent une cotisation au syndicat.

Cela s’avère nécessaire pour assurer à l’UNEQ les moyens de remplir sa mission. Il s’agirait aussi d’un geste concret des artistes pour manifester leur appui à leurs représentants, ce qui pourrait améliorer le rapport de force en leur faveur dans le cadre des négociations. La stratégie de l’UNEQ répondait à cette logique, et plus de 40 % des participants à l’assemblée du 29 mars y ont adhéré. Par contre, et cela étonne, la proposition a été rejetée par une majorité.

On peut penser que l’opposition d’une partie des membres à la cotisation relève d’une attitude radicalement individualiste. Dès lors, pas question pour ces auteurs de partager leur revenu, ne serait-ce qu’à hauteur d’un infime pourcentage. Toutefois, une telle position ne peut être attribuable à la majorité des opposants. On peut déceler une tout autre source de désaccord à la lumière de nombreuses interventions, tant dans l’espace public ces derniers mois que lors de l’assemblée du 29 mars. De l’ensemble de ces propos, il se dégage clairement une conception romantique de l’écrivain, laquelle distille une aversion pour l’idée même de syndicat.

Une des réticences maintes fois exprimée concerne le mélange de l’ivraie et du bon grain. Plusieurs se sont offusqués d’être associés, par l’entremise d’un syndicat, à des auteurs de livres qui ne seraient pas des oeuvres littéraires. Entre autres, Monique LaRue considère que la défense des auteurs au sens large devrait relever d’une autre association que l’UNEQ (Le Devoir, 30 décembre 2022). Yvon Rivard déclare pour sa part : « je résiste à l’idée qu’écrire soit un métier comme les autres » (Le Devoir, 7 janvier 2023).

Lors de la fatale assemblée, il a été suggéré que si la plupart des écrivains avaient obtenu, grâce à leur talent, des contrats convenables, l’UNEQ devrait s’occuper de négocier de meilleures conditions pour les défavorisés. Certains ont par contre fait valoir que la solidarité n’était pas du ressort des écrivains.

La maison des écrivains, une bouée symbolique

 

La vente de la Maison des écrivains a été appuyée par une très mince marge, témoignant encore de la fracture au sein de l’UNEQ. Concernant la maison elle-même, tous sont à même de constater qu’elle n’est pas le lieu idéal pour la promotion de la littérature. Les événements publics y sont à l’étroit, et les possibilités de réaménagement sont fort limitées. Si l’on ajoute les besoins en locaux requis par les nouvelles responsabilités de l’UNEQ, rien ne va plus.

Pourtant, ces considérations pratiques paraissent n’avoir aucune pertinence pour les écrivains opposés à la vente. Tous leurs commentaires s’harmonisent avec la phrase qui aurait été prononcée par Jacques Godbout affirmant que « vendre la Maison des écrivains, c’est vendre son âme ». Voilà en effet ce que veulent préserver une partie des écrivains québécois : un monument à l’image romantique de l’écrivain.

C’est pourtant d’un autre type de maison dont nous avons besoin. Il manque à Montréal une véritable institution de promotion de la littérature dans toute sa diversité. Une telle maison de la littérature devrait être soutenue et animée non seulement par les écrivains, mais par tous les acteurs concernés.

Reconstruire l’UNEQ

Pour le moment, une majorité de membres de l’UNEQ a désavoué le projet d’instauration d’une cotisation syndicale. Le conseil d’administration, en démissionnant en bloc, admet avoir failli à convaincre de la pertinence de sa vision. Pour refaire notre unité, il faudra opérer les distinctions qui s’imposent et assumer la diversité. Il y a évidemment des différences entre les auteurs et entre les oeuvres.

Ces différences qualitatives sont l’objet de débats, et il est sain de les mener. Mais cela ne peut pas entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de veiller à assurer des conditions de pratique décentes pour tous. Celles et ceux qui se situent à la base de la chaîne du livre ne peuvent pas en être le maillon faible.

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