Le lexique météorologique n’est pas sensationnaliste

« Si l’on entend parler de plus en plus de ces phénomènes rares, ce n’est pas pour faire peur, mais bien parce qu’ils augmentent », précise l’auteur.
Andrew Vaughan La Presse canadienne « Si l’on entend parler de plus en plus de ces phénomènes rares, ce n’est pas pour faire peur, mais bien parce qu’ils augmentent », précise l’auteur.

Dans son texte d’opinion dans Le Devoir sur la communication des risques météorologiques « Bombes météo, communication des risques ou sensationnalisme ? », Sophie Seguin-Lamarche rate sa cible en reprochant par la bande aux météorologues d’abuser de termes alarmistes dans leurs bulletins. N’en déplaise à la stratège en communication de crise, les termes « bombe météorologique », « vortex polaire » ou « rivière atmosphérique » sont des termes scientifiques tout à fait appropriés qui font partie du lexique météorologique depuis plus de 50 ans. Si on parle de plus en plus de ces phénomènes rares, ce n’est pas pour faire peur, mais bien parce qu’ils augmentent.

Dans les années 1980, on blâmait les météorologues d’utiliser des termes compliqués et confus comme « anticyclone » ou « averse de neige ». Or, ces termes nouveaux à l’époque sont aujourd’hui très bien compris de la population. On n’arrête pas le progrès.

Avant de prétendre que la communauté météorologique crée de la confusion en utilisant des termes alarmistes, il est important de tenir compte du fait que les programmes d’alertes météorologiques, ici comme aux États-Unis, sont très peu performants. On estime à moins de 10 % l’efficacité des alertes météorologiques. Autrement dit, sur 10 personnes prévenues d’une alerte pour leur région, une seule personne posera un geste ou changera son comportement pour sa protection. Les gens n’écoutent plus les alertes météo. Le loup a trop fait crier pour rien.

Communication de risque

La communication de risque est un champ de connaissance encore très jeune. Comment prévenir efficacement une population qu’un danger risque de s’abattre sur elle dans les prochaines minutes ? Les climatologues ont le même problème, mais à l’échelle mondiale. Le seul moyen qui a fait ses preuves depuis le début de l’humanité est la peur. Comme l’a si bien dit John Houghton, ex-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. « Si nous n’annonçons pas de désastres, personne ne va écouter. »

Mme Seguin-Lamarche semble surprise que la météo soit le sujet le plus traité dans le portrait médiatique québécois, bien au-devant de l’éducation, des aînés et de la pauvreté. Or, le climat d’ici est le plus turbulent au monde. Le Québec connaît tous les phénomènes violents du dictionnaire. Blizzards, tornades, canicules, bourrasques, ouragans, la cour est pleine de neige, de verglas et d’inondations. Dans un territoire trois fois grand comme la France, où les variations de température et de conditions météorologiques se font en quelques minutes, peut-on se surprendre que la météo soit le sujet de conversation le plus courant ?

Bien entendu, les médias jouent un rôle important dans le traitement de l’information météorologique et la sensibilisation aux risques de mettre le pied dehors au Québec. L’utilisation excessive de termes alarmants, que Mme Seguin-Lamarche reproche aux médias, reflète une triste réalité. L’information passe aujourd’hui par l’excitation des sens. Quand ils abordent la question climatique, les médias ont toujours tendance à aborder le sujet de façon alarmiste en oubliant l’incertitude scientifique sous-jacente.

Une étude sur le traitement de l’information climatique dans les journaux et les réseaux de télé aux États-Unis a révélé que les enjeux climatiques sont toujours présentés sous l’angle des craintes, des peurs et des risques. L’étude a aussi montré que la fréquence de certains termes dans les nouvelles, comme les mots « crise », « catastrophe », « cataclysme » et « désastre », a augmenté en flèche depuis 30 ans. La peur fait vendre.

Bref, on permet aux médecins de nous prévenir des risques de maladies et de cancers qui nous guettent si nous ne changeons pas nos habitudes. Permettons alors aux météorologues d’utiliser les termes exacts pour décrire la nouvelle réalité climatique de notre époque. Beau temps mauvais temps.

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