Bombe météo, communication des risques ou sensationnalisme?

Ce n’est pas un secret, notre sujet de prédilection au Québec, c’est le temps qu’il fait, en raison de son impact sur la vie quotidienne, de sa variabilité saisonnière, de sa portée sur les activités de loisirs et, surtout, de notre intérêt général pour la question. Mais les risques météorologiques peuvent aussi être un enjeu social, économique et politique en raison des conséquences potentiellement graves qu’ils peuvent avoir sur la population et les entreprises. Bien sûr, la météo a une incidence directe sur la santé et le bien-être de la population. Elle peut également avoir une influence importante sur l’économie, en perturbant les activités commerciales, industrielles et agricoles. Les risques météorologiques sont, par conséquent, un enjeu politique, compte tenu des défis qu’ils posent dans la gestion des ressources publiques et la prise de décisions.
Dans le portrait médiatique québécois, la météo est l’un des sujets les plus traités par les médias, bien au-devant de l’éducation, des aînés et de la pauvreté !
Les instances publiques ont la responsabilité de fournir des informations météorologiques fiables et à jour pour aider les citoyens à se protéger des dangers potentiels et à prendre des décisions éclairées. Les médias ont également la responsabilité de transmettre ces informations de manière claire, précise et responsable, sans « sensationnaliser ». Mais de nouveaux termes à saveur alarmiste sont venus nourrir titreurs et journalistes, ce qui colore allègrement notre anticipation des intempéries québécoises.
Si l’utilisation plus fréquente de termes alarmants tels que tempête dévastatrice, froid extrême, canicule hivernale, vagues de chaleur mortelles, rivière atmosphérique, dégel brutal, bombe météo et pluie torrentielle est payante et attire les lecteurs, cela peut-il, en contrepartie, créer une confusion et une minimisation des risques réels ?
L’analyse de la couverture météorologique au Québec révèle l’utilisation fréquente de termes alarmants pour décrire les conditions météorologiques. Par exemple, entre 2016 et 2017 au Québec, le terme « bombe météo » a connu une croissance de 1000 % dans le contenu médiatique, selon Influence Communication (2018). Bien que ces termes puissent attirer l’attention sur les dangers potentiels, et que les médias se défendent de les surutiliser, ce phénomène peut également contribuer à la « sensationnalisation » des événements météorologiques et à la diffusion d’informations exagérées ou erronées. Il peut créer de la confusion chez les gens et les inciter à adopter des comportements à risque en réponse à des situations météorologiques qui ne sont pas aussi graves qu’ils le pensent, ou l’inverse.
De plus, l’utilisation excessive de termes alarmants peut réduire la crédibilité de la couverture médiatique de la météo, alimenter le cynisme et compromettre la capacité des médias à informer la population de manière efficace en cas de situation météorologique réelle. Cela peut également entraver la capacité des autorités publiques à communiquer les informations nécessaires pour gérer les situations potentiellement dangereuses.
À force de crier au loup, on crée chez la population une tolérance aux mauvaises nouvelles qui pourrait la mettre en danger.
Il est établi qu’en matière de gestion des risques météorologiques, la coordination entre les différents acteurs est cruciale pour garantir une réponse rapide et efficace en cas de catastrophe. Encore faut-il pouvoir identifier les risques auxquels nous pourrions être exposés et vouloir y faire face. Une société démocratique ne peut fonctionner que sur la base d’un certain nombre de constats d’évidence partagés. Elle doit, à ce titre, disposer de sources d’information fiables et reconnues comme telles par une large majorité de concitoyens.
Dans une situation de diminution des risques de catastrophe, si d’un côté la recommandation de la science est la diminution des pertes écologiques, biologiques, humaines et économiques et que de l’autre, l’intérêt des gouvernements est de protéger leurs éventuels électeurs et celui des médias est de vendre de la nouvelle, le relativisme ambiant, la légitimation de points de vue marginaux, la remise en cause des discours d’expertise et la méfiance systématique envers les institutions, les médias et les autorités démocratiques minent ces consensus.
Avec le changement mondial du climat, la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques iront en augmentant. Les médias doivent maintenir un rôle clé dans l’information transmise aux citoyens tout en veillant à équilibrer la transparence et la qualité de l’information avec la sensibilisation aux risques. L’utilisation excessive de termes alarmants mine la crédibilité des informations.
Finalement, nous, lecteurs de journaux et consommateurs assumés de nouvelles météo, assurons-nous de limiter la résonance des termes à sensation et évitons d’amplifier ce phénomène en réduisant notre usage des superlatifs lors des conversations météo du 5 à 7 !