De la parole à la loi pour protéger la biodiversité

L’année 2022, qui s’est conclue sur la Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) à Montréal, a placé la biodiversité au centre des préoccupations : elle est en crise partout sur la planète, et le Canada n’y échappe pas. Au pays seulement, 20 % des espèces répertoriées sont « gravement en péril, en péril ou vulnérables ». Cette extinction ne peut être freinée sans des engagements plus concrets et une volonté politique forte et concertée de tous les acteurs et de tous les ordres politiques.
Heureusement, durant la COP15, le Canada a fait preuve de leadership dans son rôle de pays hôte. Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, s’est dit ouvert à la mise en place d’une loi permettant la protection de la biodiversité. Mais cet engagement doit maintenant se concrétiser au moyen de changements législatifs de fond pour qu’on espère inverser la courbe.
Bien que le Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité soit un pas dans la bonne direction, il est urgent d’agir, sous peine de voir la crise s’accentuer ces prochaines années.
Plusieurs exemples au Québec permettent de constater la difficile conciliation entre activités humaines et protection des espèces, même lorsque ces dernières bénéficient d’un statut précaire. Nous n’avons qu’à penser au chevalier cuivré, menacé par le projet de port à Contrecœur, à la rainette faux-grillon, dont l’habitat est fragilisé par le controversé prolongement du boulevard Béliveau à Longueuil, ou à l’emblématique caribou, disparaissant face à la pression des activités forestières.
Les pouvoirs fédéraux pouvant intervenir pour sauver les derniers refuges d’espèces gravement menacées, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, constituent certes un outil de dernier recours. Cependant, cette loi est peu appliquée et l’est tardivement, lorsque l’espèce est déjà en danger. C’est pourquoi il est urgent de renouveler nos outils législatifs de protection pour mettre en œuvre les nouveaux engagements internationaux du Canada tout en s’attaquant aux causes profondes de la perte de biodiversité.
Nous avons besoin de lois fortes qui obligent le gouvernement fédéral à rendre des comptes sur l’atteinte des objectifs de biodiversité, et la population en semble consciente.
Selon un sondage commandé par Greenpeace, 84 % des habitants du Canada disent s’inquiéter pour l’avenir de la planète en raison de l’état actuel de la faune et la flore. Plus de sept personnes sur 10 soutiennent l’élaboration d’une nouvelle loi allant dans ce sens. Et déjà plus de 40 000 personnes ont signé une pétition demandant l’adoption rapide d’une nouvelle loi.
Ce que cette loi devrait contenir
Cette nouvelle loi sur la nature et la biodiversité doit fournir un cadre clair permettant l’atteinte de ses objectifs en matière de biodiversité de manière transparente et responsable (rappelons que les engagements précédents de protection de 17 %, dont l’échéance était en 2020, n’ont toujours pas été respectés).
Afin d’améliorer la mise en application, cette nouvelle loi doit donner au public le pouvoir d’exiger des comptes et d’intenter des poursuites contre le fédéral s’il n’agit pas contre la destruction de la biodiversité. La possibilité de faire face à la justice pourrait être un élément dissuasif efficace faisant en sorte que les décisions gouvernementales ne favorisent plus la « destruction de la nature / réduction des espèces ».
L’existence d’un tel droit donnerait aussi plus de pouvoir aux communautés autochtones et locales subissant les conséquences négatives des atteintes indésirables à leur environnement naturel.
Rappelons qu’ici comme ailleurs, les plus grands protecteurs de la biodiversité sont les Premiers Peuples. Le gouvernement fédéral doit donc élaborer cette nouvelle loi en coopération avec leurs dirigeants, dans une optique de reconnaissance de la gouvernance et de l’intendance autochtones comme des formes tout à fait légitimes de protection de la nature.
Chaque jour qui passe, nous poursuivons la destruction de la nature et des espèces de notre planète. Il faut dès maintenant inverser cette tendance qui, au bout du compte, affecte notre propre survie. Si le gouvernement canadien est sérieux par rapport aux engagements qu’il a pris lors de la COP15, la mise en place d’un cadre législatif rigoureux dans la prochaine année serait certainement un excellent premier pas à faire.